Près de quinze ans après les dernières initiatives d’allègement de dette mises en œuvre par la communauté internationale, certains pays d’Afrique ont soit récemment annoncé un défaut sur leur dette publique, soit souscrit à l’initiative de suspension du service de la dette mise en place par les bailleurs officiels en 2020, soit progressent en vue d’une possible restructuration de leur dette sous l’égide du G20, du Club de Paris mais aussi des créanciers dits « émergents » et privés. Ceci semble corroborer l’idée, fréquemment formulée, d’une nouvelle crise de la dette en Afrique.
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AUTEUR(S) : MAXIME TERRIEUX MARIN FERRY (UNIVERSITÉ GUSTAVE EIFFEL, DIAL) BENOÎT JONVEAUX
COLLECTION : MACRODEV
ISSN : 2116-4363
PAGES : 48
Près de quinze ans après les dernières initiatives d’allègement de dette mises en œuvre par la communauté internationale, certains pays d’Afrique ont soit récemment annoncé un défaut sur leur dette publique, soit souscrit à l’initiative de suspension du service de la dette mise en place par les bailleurs officiels en 2020, soit progressent en vue d’une possible restructuration de leur dette sous l’égide du G20, du Club de Paris mais aussi des créanciers dits « émergents » et privés. Ceci semble corroborer l’idée, fréquemment formulée, d’une nouvelle crise de la dette en Afrique.
Ces évolutions sont toutefois la conséquence d’un ensemble de facteurs divers qui se déclinent différemment selon les spécificités économiques et financières de chacun des pays d’Afrique. Plusieurs faits stylisés à l’échelle du continent se dégagent de l’analyse des trajectoires d’endettement au cours des dix dernières années. Tout d’abord, l’endettement constitue l’un des leviers principaux pour couvrir les besoins de financement du développement, malgré les efforts entrepris pour renforcer la mobilisation des ressources domestiques. Face à l’importance et à l’urgence de ces besoins de financement du développement, le profil des dettes publiques a considérablement évolué au cours de la décennie écoulée.
Aux bailleurs « traditionnels » de la communauté internationale, bilatéraux ou multilatéraux, sont venus s’ajouter de nouveaux créanciers, issus de pays émergents ou du secteur financier privé. Cela a permis de financer davantage de dépenses de développement. Cependant, la montée en puissance de ces nouveaux créanciers 4 Macroéconomie et développement – Mai 2021 contribue à modifier les structures des dettes publiques en Afrique : d’une part, en alourdissant le stock de dette et le service de la dette et, d’autre part, en complexifiant l’analyse des déterminants des crises de la dette. Par ailleurs, la soutenabilité de la dette de la plupart des pays d’Afrique s’est sensiblement dégradée au cours de la dernière décennie. Selon certains, le surendettement et la crise généralisée de liquidité ou de solvabilité à laquelle les pays africains sont confrontés proviendraient de la mauvaise gouvernance des pays ou de pratiques imputables à des créanciers irresponsables.
Cependant, les résultats d’analyse empirique tendent à montrer que les pays d’Afrique ont une plus faible tolérance à la dette publique ainsi qu’une plus grande vulnérabilité aux chocs exogènes, rendant plus fréquents les épisodes de tension sur la liquidité et les problèmes de solvabilité. Les difficultés rencontrées en 2020 par un certain nombre de pays d’Afrique en raison de la crise économique et financière mondiale consécutive à la crise sanitaire semblent aller dans ce sens. Alors que l’impact sanitaire direct de la pandémie sur l’économie réelle est nettement moins marqué en Afrique que dans le reste du monde, ce choc exogène induit néanmoins de fortes tensions financières et budgétaires pour un nombre important de pays.
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