Avec la fin de son pseudo-dialogue-express, Macky Sall se rapproche de plus en plus de l’heure fatidique où il sera bien obligé de répondre à la question fatale, qui dans tous les cas de figure, va signer l’arrêt de mort de Benno Bokk Yakaar.
P’têt ben qu’oui p’têt ben que non: une réponse de normand aux lourdes conséquences !
C’est un secret de polichinelle que plusieurs composantes de la coalition présidentielle, y compris au sein de l’APR, sont plus que réticentes à l’idée de remettre en cause la limitation des mandats et seraient plutôt favorables à une candidature portée par un autre membre de Benno Bokk Yakaar.
Si le président décidait de postuler à une troisième candidature, cela pourrait les pousser vers la sortie, ce qui affaiblirait politiquement une majorité, qui va très probablement être confrontée à l’embrasement du pays.
Il se peut, que contre toute attente, Macky Sall choisisse de décliner la troisième candidature controversée, c’est-à-dire, d’écouter la voix de la raison en décidant de se conformer à la Constitution et de respecter sa parole. Dans ce cas aussi, les risques sont réels d’assister à une implosion de sa coalition devenue acéphale et qui serait plongée dans la tourmente, se traduisant par une multiplicité de candidatures.
Une crise politique sans précédent
L’indécision du président Macky Sall sur la troisième candidature est loin d’être fortuite. En dehors de l’impact délétère que cette question peut avoir sur la majorité présidentielle, il y va surtout de la survie du système de prédation néocolonial.
Un des plus grands mérites de la nouvelle génération d’hommes politiques, particulièrement d’Ousmane Sonko, c’est cette volonté proclamée de rompre avec cette dépendance vis-à-vis des pays impérialistes, la France en premier lieu, qui perdure malgré les deux alternances de 2000 et 2012. Elles ont, en effet, montré leurs limites pour ce qui est de la résolution des enjeux fondamentaux, auxquels notre peuple fait face.
C’est précisément cette volonté de plus en plus affirmée des jeunesses africaines et particulièrement celle sénégalaise, de s’émanciper du carcan néocolonial qui se heurte à une agressivité inédite de la classe politique traditionnelle, qui s’est retrouvée au dialogue officiel, en ordre de bataille contre le spectre du patriotisme, qu’on cherche à éradiquer du champ politique.
Cela entre dans le cadre d’une stratégie longuement mûrie de reconfigurer notre modèle démocratique qui n’arrive plus à contenir les coups de boutoir des forces œuvrant pour une véritable souveraineté nationale et l’approfondissement de la démocratie.
C’est en raison de l’importance de ces enjeux, que notre pays est en train de traverser l’une des crises politiques les plus graves de son histoire. Elle est d’autant plus préoccupante, que le régime apériste semble adopter une attitude extrémiste, qui risque de compromettre une issue heureuse en termes de stabilité et de paix sociale.
Le troisième mandat : un saut dans l’inconnu
Cette crise pourrait également, si elle n’est pas maitrisée, provoquer une ingouvernabilité durable, dont les prémisses sont déjà perceptibles ou déclencher un putsch militaire.
Sans jouer aux oiseaux de mauvais augure, certains observateurs pensent, que même une guerre civile, telle que celle ayant eu lieu au Congo-Brazzaville, entre juin et octobre 1997, n’est plus à écarter. En tout cas, les mêmes ingrédients se retrouvent, comme les préjugés ethniques cultivés et/ou instrumentalisés surtout par certains grands responsables de la Coalition présidentielle ou résultant de la crise économique (hostilité croissante envers les ressortissants de pays frères / frontaliers), mais également l’utilisation de nervis ou de milices privées et les nouvelles ressources pétrolières et gazières…
Il n’est pas trop tard pour arrêter l’engrenage fatal
Il y a douze ans, le 23 juin 2011, un soulèvement populaire, dont Macky Sall faisait partie des sponsors, avait donné un coup d’arrêt à une tentative de tripatouillage constitutionnel et constitué le point de départ du processus ayant mené à la deuxième alternance de 2012. Il n’avait fallu, au président Wade, que quelques heures pour prendre acte de son erreur et la rectifier.
Cela devrait inspirer le pouvoir actuel qui, depuis plusieurs années, fait montre d’un entêtement suicidaire à vouloir, coûte que coûte, se maintenir au pouvoir, en briguant un troisième mandat illégal et illégitime.
Avec le recul, on peut aussi établir une compulsion obsessionnelle du président Sall à vouloir liquider ses concurrents les plus représentatifs, scénario qui a servi aux présidentielles de 2019 et que le régime est en train de vouloir rééditer avec les condamnations arbitraires, dont Ousmane Sonko fait l’objet et qui ont pour finalité de le rendre inéligible.
Au vu de l’effroyable coût humain, qui fait, d’ores et déjà l’objet de procédures judiciaires au niveau des juridictions internationales, le pouvoir actuel s’est, de fait, placé dans l’illégalité. Il serait, dés lors, naïf de douter, un seul instant, qu’il acceptera de perdre des élections organisées par un ministre de l’Intérieur issu de ses rangs. Il ne resterait plus aux hommes du pouvoir que la fuite en avant, dans une spirale répressive, pour échapper aux poursuites judiciaires, qui leur pendent dorénavant au nez.
Comment alors qualifier les délibérations du faux dialogue national, qui auraient entériné le scénario de validation de l’impossible candidature à un troisième mandat de l’actuel président de l’APR, par le conseil constitutionnel ?
Ce schéma aurait la faveur de ce qui s’apparente, de plus en plus à “une société civile du Prince”, sous le regard bienveillant d’une opposition de salon et de prétendus non-alignés. Le hic est que le conseil constitutionnel est présidé par un magistrat, proche de la mouvance présidentielle, connu pour ses démêlés avec l’OFNAC et le rôle décisif qu’il aurait joué dans l’éviction judiciaire des rivaux du candidat de la coalition présidentielle en 2019.
Le mutisme sur le sort peu enviable fait au président du PASTEF, sous prétexte d’un esprit républicain, qui occulte l’instrumentalisation de la Justice, dont les régimes socialiste et libéral s’étaient également rendu coupables, dans le passé, prouve amplement, que le pseudo-dialogue a été le prétexte pour mobiliser le ban et l’arrière-ban des hommes du système pour barrer la route au candidat antisystème.
Il n’est pas trop tard pour exorciser les démons, qui planent au-dessus de notre Nation connue pour sa tolérance et son hospitalité, en s’inspirant de l’esprit de dépassement du 23 juin 2011 et de la charte du F24. Il suffit de renoncer à ces projets chimériques de troisième mandat, de libérer tous les détenus politiques, y compris le président du PASTEF, et de permettre la participation de tous les citoyens remplissant les conditions à des élections présidentielles transparentes et inclusives.
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