Notre si particulière île du Sénégal va engager le ramadan, comme à l’accoutumée, dans la dispersion. C’est tellement plus simple ailleurs où les musulmans s’alignent sur un mot d’ordre. Qui disait que le Sénégal est une île particulière. Mieux, au fil des ans, des acteurs en grand renfort de liturgie continuent de faire l’apologie de cette diversité paralysante. L’islam n’est pas une religion d’Etat au Sénégal. Par conséquent, il appartient aux sénégalais de cesser leur duplicité. L’islam est arrivé en Afrique de l’ouest au 8ieme siècle. Cependant, nous avons eu la magie de le colorer à la sauce locale en moins de 2 siècles. Serigne Bamba est né en 1853, El Hadji Malick en 1855, Cheikh Ibrahim Niass en 1900.
Le constat est que de plus en plus on a folklorisé la religion du Maroc au Sénégal. En soi, ce n’est pas un problème car cette dernière s’est adaptée parfois à certaines réalités locales. Cependant, les gens exagèrent. Ce qui complexifie cette diversité paralysante, ce sont les phénomènes des petits fils de marabouts qui créent une multi-céphalée et une implosion. Les débuts et fin de ramadan sont devenus des sondages/référendum pour jauger leur influence. Nous pouvons aussi en dire de même à propos de ce qu’on appelle communément les Ibadou, salafistes et wahabites. Ces derniers ne se trompent pas de religion mais de culture. Du coup, on navigue entre plusieurs aliénations. Avec ces réfugiés religieux et ces démiurges. Nous parlions récemment de ces acteurs en ces termes :
«Ces démiurges sont baroques à souhait. Ils sont à usages multiples. Ils vendent aux réfugiés et reclus sociaux les rêves ou les illusions que les politiciens ont volé aux jeunes. Ils servent de faire valoir aux politiques pour justifier les bourrages des urnes et pour légitimer la décision dite divine qui nomment les “mborow rew” (président de la république). Ils se sentent démiurges face à une république de démissionnaires hors des sentiers d’équité et de responsabilité républicaines. Ils peuvent exhiber des milliers de pilons pour menacer d’autres milliers de sénégalais en présence du premier magistrat du pays. Ils peuvent défiler à l’effigie des grades militaires les plus solennels et sacrés d’une armée nationale qui dévie le regard».
Lorsqu’on analyse les fonctionnements profonds des ressorts de notre société, on observe bien comment le messianisme a fini de prendre le dessus sur les responsabilités individuelles. De la politique à la religion, tout ou presque est délégué. Nous sommes devenus une société de délégataires. Les sénégalais délèguent leur ici et maintenant et leur au-delà. Voilà, sans doute, pourquoi les bandes Fm et les radios sont polluées par toutes sortes de courtiers. Et sans surprises, les mêmes tentes servent à faire la religion et la politique. La posture responsable serait de s’évertuer à bien connaître les rouages et fondement de sa religion (peu importe laquelle ou la confrérie) et de se mettre dans une posture de pratique humble sans prosélytisme ni exhibitionnisme et chercher une “cohérence” optimale entre sa foi vécue et ses actes dans toutes les sphères professionnelles, sociales, politiques. Il est évident que les humains courent plus la rue que les anges. Mais, ces postures nous auraient permis d’avoir moins de tintamarre. Souvent, la trame du discours religieux est infantilisante. Elle fonctionne comme des logiques de manipulation et d’accaparement. Une sorte de mise en scène de soi permanente.
Pourtant le Coran nous interpelle directement. «Oh vous croyants…». Il nous met en face de nos responsabilités. Mais fondamentalement tout revient à la responsabilité individuelle pour tout être doté de raison. Et ces démiurges nous traitent d’incompétents et se proposent d’intercéder en notre faveur moyennant une soumission absolue. On peut observer, à l’image de la politique, la violence symbolique de tous les instants qui frappe les normes déviées religieuses. Les violences symboliques sont extraordinaires dans ce pays. Voilà pourquoi ces démiurges arrivent à vendre du vent. C’est parce que dans bien des cas les vrais soufis ont laissé le terrain aux sous-fifres chargés des sales besognes. Tant que se sera comme ça, les vrais fondements des discours et pratiques religieux seront toujours dans un discrédit permanent.
Bon ramadan à toute la Ummah
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