La présente note traduit la lecture d’un militant socialiste qui a voté BBY en 2019 et 2024. N’étant membre ni du Bureau Politique (BP) ni du Secrétariat Exécutif National (SEN) du Parti Socialiste du Sénégal, cette lecture partage ses libres propos.
« L’arbre est deux fois plus utile que les fruits »
J’invoque cette citation de Cicéron pour inviter les camarades Socialistes à user solidairement de toutes les voies utiles pour toujours agir dans un climat de confiance, de responsabilité et de complémentarité. Ces trois termes me paraissent pleins de sens au regard du contexte sociopolitique actuel du Sénégal.
En effet, le calendrier électoral du pays étant désormais globalement mis en œuvre avec la Présidentielle de mars 2024, il ne reste plus valablement de rendez-vous électoral immédiat qui soit dicté par l’urgence de la realpolitik.
Pour sa part, si le Parti socialiste (PS) est resté vivant et conquérant entre 2000 et 2012, il semble avoir subi, de 2012 à nos jours encore, le poids de son ancrage au sein d’une coalition paradoxalement essoufflée par une longévité inédite dans l’histoire politique sénégalaise.
Voilà pourquoi l’issue du scrutin de mars 2024 avec l’élection du Président Bassirou Diomaye FAYE est venue décréter « la fin de l’histoire » pour de nombreux acteurs politiques.
Avant la Présidentielle de mars dernier, la percée d’une certaine frange de l’opposition, ainsi que la chute continue des scores de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), notamment aux élections locales et législatives de 2022, faisaient déjà de 2024, un rendez-vous électoral majeur pour tous les partis politiques et de toutes obédiences qu’ils soient.
Le postulat de plusieurs acteurs et observateurs qui, à la veille de la Présidentielle, appréhendaient déjà une « mort programmée du PS », s’est confirmé par la réalité manifeste que, en 2024, les 12 années de compagnonnage constituaient un âge assez mûr pour évaluer la présence du parti au sein de la majorité incarnée par la coalition BBY.
Depuis la déroute de BBY au 1er tour, il est devenu encore plus urgent pour les militants socialistes de se pencher davantage sur le sort et sur l’avenir de leur formation politique.
Si l’on s’accorde pour reconnaître qu’un parti politique s’évalue (entre autres critères) à partir de ses résultats électoraux, il nous faut avoir le courage existentiel d’oser reconnaître que le « gagner ensemble et gouverner ensemble » mis en œuvre depuis 2012, n’aura pas toujours été opérant pour les alliés de l’APR. Aussi, le PS en tant que formation politique propre, n’offre plus de réelle grille de lecture qui permette objectivement d’apprécier, par exemple, son électorat, des forces et faiblesses.
Une autre urgence existentielle consiste pour le Parti socialiste, à relancer le processus de vente des cartes et de renouvellement des comités, sections et coordinations afin de se permettre d’aller, au plus vite, en congrès extraordinaire qui parcourt et parachève tous les processus de vente et de renouvellement précités.
Cette urgence devra s’arrimer à l’impérieuse nécessité d’adapter la carte politique et électorale du PS à la nouvelle carte administrative du pays, avec des collectivités territoriales qui demandent une attention particulière de proximité, de plaidoyer, d’actions et d’engagement. Le PS ne saurait donc faire fi du besoin de rationalisation de son organisation interne (UR,UC,coordinations,sections,etc.), en vue de sa mutabilité.
LE PS, UN DEVOIR D’EXISTENCE
Face à l’histoire et au bon souvenir des aînés, il parait utile de faire relever que « Abdou DIOUF a hérité de Léopold Sédar SENGHOR, un parti triomphant » et que « Entre 1981 et 2000, Abdou DIOUF a bénéficié et gouverné avec le personnel politique de Senghor ».
Si le PS a toujours incarné et promu les valeurs de Travail, d’Organisation et de Méthode, la perte du pouvoir en 2000, venait confirmer l’essoufflement auquel les 40 années du régime socialiste avaient exposé son appareil politique. En effet, si depuis le départ de Léopold Sédar SENGHOR, le parti gagnait toujours et assez régulièrement les élections présidentielles, législatives et municipales, il n’en demeure pas moins que les scores électoraux consacrant les victoires d’Abdou DIOUF, étaient déclinants au fil des années.
Entre 2000 et 2012, l’expérience vécue dans une posture d’« opposition républicaine » et sous le leadership du Secrétaire Général Ousmane Tanor DIENG, aura beaucoup concouru à donner au PS, un nouvel élan et une certaine attractivité. En effet, cette période a vu les Socialistes se renforcer par l’adhésion de nombreux nouveaux membres (Jeunesses, Cadres, Femmes, Universitaires, etc.) convaincus de la pertinence idéologique et des valeurs socialistes héritées de Senghor, de Diouf et encore positivement incarnées par OTD au lendemain de la perte du pouvoir et du départ de nombreux camarades et responsables.
De l’avis de nombreux observateurs, analystes et même d’une grande majorité de militants socialistes, après la Présidentielle de 2019 et l’investiture inédite de Macky SALL comme candidat du PS qui manifestait ainsi son plein ancrage au sein de la coalition de la majorité (Benno Bokk Yaakaar), il n’était sans doute plus opportun de rater le train de l’Histoire en 2024. De plus, il faut, à l’épreuve des contradictions internes exprimées ou tues, s’avouer qu’accompagner la politique du Président sortant, n’obligeait nullement les socialistes à taire ce qui vibrait en eux. Aussi, il s’agissait pour notre formation politique, tant que l’ancrage était encore affirmé, d’assumer la solidarité avec BBY sans pour autant renier son identité socialiste propre.
Le projet n’aurait eu rien d’antinomique en soi, car de 2012 à 2022, l’on ne peut parler de la vitalité de la coalition présidentielle BBY, sans évoquer le rôle moteur du PS pour sa stabilité. Dès lors, plutôt que de raisonner « stratégie » en termes de postes ou d’institutions à administrer et de tomber continuellement dans le piège de l’endormissement, il était question d’identité politique affirmée et surtout de vitalité de l’idéologie socialiste.
Après 2019 et 2024, le moment est donc venu d’affirmer et d’assumer avec une ferme conviction, que « nous sommes pour un PS fort ». Avec la nouvelle redéfinition des rôles que dicte l’avènement du PASTEF et de la nouvelle majorité politique dirigeante, se libérer du poids de BBY constitue l’unique option de survie et de réinvention pour le PS. Si le PS ne veut pas disparaître de l’échiquier politique du Sénégal, tous les militants ont le devoir de se convaincre de la nécessité de tenir ferme le flambeau du socialisme démocratique. Nous devons, encore plus, nous convaincre que nos sociétés sont foncièrement socialistes.
Le flou, la précipitation et le défaut d’information interne et publique qui entourent le retour annoncé de Khalifa SALL et des ses partisans de TAXAWU SENEGAL au sein du PS, constituent des signes apparents d’un processus impensé (ou plutôt habilement ourdi) et que les instances dirigeantes du parti s’évertuent à faire accepter « sans débats ». Au delà de ce qui s’apprécie comme un empressement de repositionnement qui ne clarifie pas assez les conditions de la réintégration d’anciens camarades, la justice du militantisme qui reconnaît les sacrifices et efforts de tous ces camarades qui, dans la conviction et la fidélité à la ligne du parti sont restés disciplinés, impose que tout parachutage soit banni. Il appartient donc au PS et à TAXAWU SENEGAL d’édifier clairement les militants socialistes et les sénégalais sur les termes réels de ce retour que les deux camps s’empressent de concrétiser au lendemain de la débâcle de mars 2024.
En définitive, aurait-on parlé de retrouvailles socialistes si BBY avait rempilé ou si Khalifa Sall avait percé et plus gagné en électorat et en stature politique à la dernière Présidentielle ?
LE PS, UN IMPERATIF DE MUTABILITE
Face à l’histoire et au bon souvenir des aînés, il parait juste de préciser que « lorsqu’on parlerait des 40 ans du PS, les gens parleraient plus des 20 ans de Diouf » car « Senghor a travaillé et bien travaillé ». Abdou DIOUF, grand commis de l’Etat, en « a eu la volonté mais il est tombé sur des périodes délicates et difficiles au plan socioéconomique ». Il en ressort que, ces périodes qui ont coïncidé avec la mise en œuvre des politiques d’ajustement structurel, ont grandement déstructuré notre économie locale.
Le PS qui a le devoir de survivre encore longtemps aux pères fondateurs de la Maison du Parti, doit donc revenir aux fondamentaux et aux piliers qui constituent le socle de son assise territoriale d’antan. Ces fondamentaux et piliers fondent encore aujourd’hui, et à toutes épreuves, une légitimité (aux allures de nostalgie) qui sommeille dans le cœur des militants convaincus ainsi que dans l’esprit de Sénégalais de toutes générations, âges et conditions sociales, issues des zones rurales comme des cités urbaines.
Face à un impératif de redynamisation, de massification des structures et des bases du parti, les fondamentaux et les piliers du PS pourraient se décliner en plusieurs axes :
- Renouveler et rajeunir drastiquement les visages du parti ;
- Déconstruire le mythe des barons pour mieux affronter les nouvelles configurations de l’espace politique et du leadership ;
- Faire revivre les structures de Jeunesses (Pionniers, Elèves & Etudiants) ;
- Se laisser porter par les cellules de Cadres (Réseau des Universitaires, Vision Socialiste, etc.) ;
- Rayonner encore plus, à travers l’Ecole du Parti ;
- Faire revenir et revitaliser la solidarité agissante entre les responsables et les militants (formation, partages d’expériences et de vécus politique et administratif, etc.) ;
- Afficher et assumer l’identité socialiste et l’héritage Senghorien et celui des Pères fondateurs solidaires d’un Etat et d’Institutions fortes, porteurs du Socialisme sénégalais et de la Social-démocratie.
Le Parti Socialiste, aîné des formations politiques du Sénégal, est donc inéluctablement poussé à s’adapter au contexte militant actuel caractérisé par la montée en puissance des jeunesses militantes, l’activisme permanent sur les réseaux sociaux, l’endossement des sujets, enjeux et défis qui interpellent le Sénégal et les Sénégalais. En effet, faute de répondre à une certaine angoisse démocratique étayée par la crise de nos organisations politiques, les partis d’obédience idéologique traditionnelle tels que le PS, ont sans doute laissé le libre champ à des activistes et mouvements populistes dont la percée et l’implantation ne souffre désormais d’aucun déni. Dans une nouvelle approche de massification, le PS pourrait tout autant tirer avantage de l’existence et de la promotion de mouvements de soutien et autres cadres “informels” d’expression politique et citoyenne.
Depuis 2019, le PS présente les signes d’un leadership interne affaibli parce que pas assez affirmé et dépourvu de toute vision prospective susceptible de déconstruire l’image d’un parti de vielles générations ; le parti ne met plus en œuvre une réelle politique de communication institutionnelle qui traduit et partage à l’opinion une vie régulière de ses instances de fonctionnement et de direction.
En 2024, le tableau n’en est pas encore plus reluisant et le PS ne présente aucune attractivité objective.
Il est donc urgent que le PS s’adapte aux nouveaux requisits imposés par le choix de l’électorat sénégalais.
A l’épreuve des faits politiques observés entre 2000 et 2024, le devoir d’exister et l’impératif de renaissance amène le PS à (se) poser deux réflexions majeures :
AUJOURD’HUI, QUI SOMMES-NOUS ET QUEL SOCIALISME INCARNONS-NOUS ?
Depuis 2014, le PS n’a plus tenu de Congrès statutaire de renouvellement des instances et structures, ni complètement mis en œuvre le processus de vente et de renouvellement des cartes de membres du parti. Prévu tous les 4 ans, cet exercice de démocratie interne aura manifestement souffert d’un réel manque de volonté interne. Le parti aura également subi les revers d’une trop longue présence au sein de la coalition BBY et de l’impact structurel inhérent au fonctionnement parallèle d’une majorité présidentielle où tout part du sommet vers la base (duplication de toutes les structures : conférence des Leaders, Cadres de BBY, Femmes de BBY, Jeunesses de BBY, etc.). A contrario, les structures de l’Alliance Pour la République (APR) se réunissaient et se réunissent encore, et de manière régulière, notamment l’instance des Cadres.
Il est donc prouvé qu’un tel paradoxe fonctionnel, n’a jamais été profitable aux formations alliées d’un parti au pouvoir, si l’appareil politique interne des alliés n’est pas préservé du réel risque de léthargie.
Aller en congrès n’aura donc jamais constitué une priorité pour les instances dirigeantes du PS et aucune volonté politique bienveillante n’a été réellement observée à cet effet. Dès lors, un nouveau Congrès s’impose comme un devoir de respiration démocratique pour le PS. La ferme volonté des militants d’aller en congrès et de renouveler les instances de direction ainsi que les structures de base du parti, devra pleinement égaler l’enthousiasme et la détermination mis en œuvre par les instances dirigeantes du PS au sein de la coalition BBY. Au-delà de la symbolique démocratique qui confère une réelle légitimité militante, le congrès offrirait au parti, une nouvelle opportunité stratégique en vue de poser le débat interne, se renouveler et redevenir conquérant, autant que la possibilité reste viable.
De plus, la tenue d’un congrès tant attendu de tous, ne ferait que du bien aux socialistes car l’avenir d’un parti dépend, pour beaucoup, de son image ainsi que du charisme et de la personnalité des hommes et femmes qui l’incarnent.
QUEL LEADERSHIP POUR UN VÉRITABLE NOUVEL ÉLAN ?
Le décès, le 15 juillet 2019, du Président Ousmane Tanor DIENG, emblématique “gardien du Temple” depuis la perte du pouvoir en 2000, a continué de laisser un grand vide. Si l’on peut prétendre succéder à un Homme de cette dimension politique exceptionnelle, l’évidence prouve qu’on ne peut jamais réellement le remplacer.
Fort de ce constat, le Parti Socialiste n’a certainement plus besoin de conflit de générations ou d’opposition de profils pour le leadership interne ; le parti et la famille socialistes ont plutôt besoin de figures consensuelles portées à la tête d’une équipe de camarades généreux mais qui misent désormais sur des jeunes préparés, intègres, formés, outillés, compétents et auxquels les sénégalais pourraient s’identifier.
Le PS a besoin des figures politiques légitimées par une base reconnue et qui assument solidairement l’héritage socialiste aux cotés des nombreuses générations d’hommes et de femmes engagées à porter l’idéal d’un réel socialisme sénégalais depuis la perte du pouvoir en 2000.
Le Parti Socialiste du Sénégal crie Jeunesse! Pour de nouveaux visages et de nouveaux noms, qui rassurent et parlent aux Sénégalais de toutes générations.
Stanislas NDIAYE,
26ème Coordination Rufisque-Est,
Union communale PS de Rufisque,
Membre de Vision Socialiste.
keurtanis@gmail.com 775424227
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