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Le Magal devrait être le principal catalyseur de l’industrialisation de Touba (Souleymane Astou Diagne)

 Le Magal, un rassemblement religieux qui draine chaque année jusqu’à cinq millions de fidèles, devrait être le principal catalyseur de l’industrialisation de Touba (centre), soutient l’universitaire Souleymane Astou Diagne.

Docteur en sciences économiques et statisticien, il avait dirigé, en 2017, une étude de l’université de Bambey sur l’impact économique du Magal de Touba, estimé alors à 250 milliards de francs CFA.

 »On avait une méthodologie très hybride, parce que le Magal repose sur des éléments clés. Il s’agit du Bërndé et du récital du Coran et des khassidas. C’est ce que Serigne Touba prodiguait comme conseil pour célébrer sa mission en mer’’, explique le professeur Diagne dans un entretien paru samedi  dans le premier numéro  de  l’hebdomadaire de l’Agence de presse sénégalaise « APS Hebdo ».

Donc, précise-t-il, « c’est une forte consommation par rapport au « Berndé », et toute la préparation logistique permettait de pouvoir voir les fonds qui sont drainés par les organisateurs, les pèlerins et l’Etat également ».

« On a vu que l’Etat déployait nombreux de ses agents. Ceux du ministère de la Santé étaient estimés à trois mille. La police et la gendarmerie étaient estimées à plus de trois mille. Sans compter l’OFOR, la SENELEC, la SONATEL », explique l’universitaire.

Il souligne que c’est sur la base de cette méthodologie que les auteurs de cette étude ont fait des estimations pour arriver à un montant approximatif de 250 milliards de FCFA. Selon lui, « il faut reconnaître qu’il est sous-évalué, parce qu’il y a des éléments qui n’ont pas été pris en compte ».

L’économiste pense que Touba a les moyens d’enclencher et de réussir son industrialisation. « On l’a même souligné dans les recommandations par rapport à l’ensemble des fonctions liées à la dynamique du Magal », fait-il savoir. L’objectif est d’inverser la tendance d’importation et de la substituer à une production locale, selon lui.

« Si on arrivait à inverser au moins de 50% toutes les dynamiques d’importation de produits industriels, alimentaires et autres, je pense que ça créerait des centaines de milliers d’emplois pour les jeunes dans la région de Diourbel, y compris la transformation des peaux des bêtes », analyse-t-il.

Dans cette étude, le professeur Diagne et ses pairs estiment également que « le Magal doit être le principal catalyseur de l’industrialisation de Touba à condition que tout ceci soit encadré, compris et mis en œuvre avec l’appui de l’Etat central, la mairie, le khalifat et des hommes d’affaires qui ont notamment le capital ».

Au moins plus de 200 mille ruminants sacrifiés durant le Magal

« Durant le Magal, il y a au moins plus de 200 mille ruminants qui sont sacrifiés. Malheureusement, les peaux sont jetées alors que ce sont des ressources inestimables », déplore le Docteur en sciences économiques et statisticien.

Lors de la préparation du Magal, signale-t-il, on trouve difficilement des menuisiers, des peintres, des plombiers, etc. Ça coûte excessivement cher parce que tout le monde réfectionne en même temps.

« Si on avait mis en interne tous les matériaux qui servent de support à ces activités comme la peinture, la menuiserie, la plomberie, la ferraille métallique, la couture, ou autres, ça créerait de la valeur ajoutée au niveau de la région », indique l’enseignant à l’Université de Bambey.

 »Mais on n’a pas encore franchi [ce pas]. Et malheureusement, c’est une fuite dans l’économie parce que cet argent se retrouve dans les poches d’autres agents économiques qui sont en dehors de notre territoire », dit Souleymane Astou Diagne.

A l’en croire, l’inversement de la tendance actuelle permettrait de créer davantage de valeur ajoutée et d’industrialiser la ville y compris les produits agroalimentaires.

Aujourd’hui, note M. Diagne, « la plupart de ces produits viennent de l’étranger. Parce que pendant le Magal, il y a un pic des importations de lait, de sucre, d’huile, de denrées de première nécessité comme le gaz, l’oignon, etc. ».

« Il y a également des pics au niveau de l’aéroport Blaise Diagne. Il faut donc que la compagnie Air Sénégal capte ces milliers de personnes qui quittent l’extérieur pour rallier le Sénégal et partir sur Touba pour le Magal. Il faut aussi qu’on endogénéise la chaîne de transport connectée à celle de l’alimentation et de la logistique », suggère-t-il.

Les transferts de fonds lors du Magal sont d’une densité inimaginable. A l’époque, on dépassait le cap des 700 mille transactions par jour, occasionnant des transits de plus de 60 milliards FCFA. On avait estimé qu’il y avait 16% de pèlerins qui disaient avoir reçu un transfert de l’étranger avec une moyenne de 140 mille FCFA.

« Le mouride est réputé être un travailleur. Et ces émigrés doivent structurer leurs capitaux. Ils doivent notamment investir dans les secteurs à haute intensité de travail de main-d’œuvre et à haute intensité capitalistique pour permettre aux dynamiques de consommation au niveau local de trouver des réponses dans leurs activités », recommande l’universitaire.

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