L’existence de groupes sociaux qui diffèrent par l’ethnie, la culture, la race, la religion, ou l’orientation politique, comporte en soi les germes de conflits potentiels. Afin de préserver la paix sociale ainsi que le bien commun, il est demandé à chacun de faire preuve de tolérance et de bonne volonté, tout en s’engageant à cultiver la paix et la justice, quelles que soient les circonstances. En d’autres termes, la réponse à la diversité par l’engagement positif et le dialogue est l’un des principaux objectifs que le Créateur a fixé à l’Humanité.
Le mot « dialogue », du grec « dialogos » se décline en « dia » traverser
et « legein », parler, dire, énumérer. Cette étymologie nous indique que le dialogue consiste à se mouvoir, se déplacer vers l’autre par la parole. Il s’agit d’une conversation dont l’objectif est un engagement honnête et une meilleure compréhension mutuelle. Le dialogue se distingue du débat, où l’on cherche à persuader l’autre. Il se distingue également de la discussion, qui vise à résoudre un problème, à atteindre un consensus ou à décider d’une ligne de conduite. Dans le dialogue, nous recherchons simplement une interaction significative qui nous permettra de mieux comprendre l’autre, de mieux nous comprendre nous-mêmes, ainsi que la relation qui nous unit.
Ainsi conçu, le dialogue est une expérience interpersonnelle significative qui peut nous changer, car il peut nous aider à nous voir, du point de vue de l’autre. C’est dire qu’il est important que les acteurs du dialogue politique que le Président Macky Sall initie prennent en compte cette dimension hautement humaniste, qui en fait l’outil de référence pour la résolution des conflits.
Quotidiennement pris à partie par ses détracteurs –c’est de bonne guerre- le président Macky Sall est lui aussi dans son droit, surtout lorsqu’il invoque sa détermination à contenir toutes les velléités de débordements. Je le connais suffisamment pour ne pas douter qu’il sait prendre de la hauteur, mais aussi reconnaitre qu’il n’est pas le genre à se laisser marcher dessus. Comme aimait à le dire le président Senghor «Kilifa ken dou ka xoxatal ». Donc, s’il sent, aujourd’hui, la nécessité de réunir à nouveau l’ensemble des acteurs politiques et les forces vives de la nation pour se parler, il est du devoir de chaque patriote sénégalais de soutenir sa démarche.
Pourquoi dialoguer ?
Le dialogue peut améliorer notre compréhension de nous-mêmes. En effet, en nous plaçant dans le contexte de l’autre, nous devenons clairvoyants par rapport à nous-même. Le musulman que je suis s’inspire du Prophète Muhammad (Paix et Salut sur lui). Ne disait-il pas : « Qui se connait connait son Seigneur » ? En effet, si nous simplifions et considérons uniquement l’aspect physique de la chose, il devient évident que pour voir son propre visage, on est obligé de recourir à un support autre que soi, tel que le miroir. Sans miroir, vous ne pouvez pas voir votre propre visage ! « Le Croyant est le miroir du Croyant » nous enseigne magistralement le Prophète Muhammad (Paix et Salut sur lui). A méditer ! Sans l’autre, nous ne sommes rien, connaître l’autre pour se connaître soi-même, telle est l’essence de l’Islam en tant que religion communautaire. Que sommes-nous en dehors de la Ummah ? Au « Je pense donc je suis » de Descartes, nous opposons le « Je connais l’autre donc je suis ». Léopold Sédar Senghor, l’humaniste, avait parfaitement saisi cela en disant « Je danse dans l’autre, donc je suis ».
« Dansons », alors, avec Senghor, et positionnons le dialogue comme une conversation totalement libre, sans restriction sur les thèmes explorés ou les résultats escomptés. Dans un dialogue sincère, l’on doit considérer les positions de tous les participants sur les sujets abordés, mais aussi leurs émotions, leurs idées préconçues, leurs préjugés et leurs désirs. C’est ce type de dialogue, dans lequel les participants fournissent un effort conscient pour examiner la dynamique intellectuelle et émotionnelle des échanges, qui permet une véritable rencontre humaine, dans laquelle l’autre est perçu avec plus de précision et d’empathie.
Ainsi, en aidant les autres à comprendre qui nous sommes et ce que nous représentons, nous remettons en question les stéréotypes, corrigeons les idées fausses et les préjugés. En retour, nous comprenons mieux les croyances et les valeurs des autres, et corrigeons les erreurs de perception que nous avons à leur égard. Une grande partie des tensions et de la méfiance qui existent parfois entre différents groupes trouve sa source dans des malentendus qui, pourtant, peuvent être levés grâce à la compréhension que le dialogue procure.
Le Coran encourage fortement les hommes à dialoguer :
« Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand-Connaisseur. » (al-Hujurat, 49:13). Ce Verset nous encourage à accepter et à respecter les différences ethniques, de culture et de croyance. La diversité, la différence sont des principes majeurs de la création divine. Celui qui refuse la diversité sous toutes ses formes est fatalement confronté à la « logique » divine. Il s’enfonce encore plus s’il refuse de dialoguer avec l’autre.
« Si Allah avait voulu, certes Il aurait fait de vous tous une seule communauté. Mais Il veut vous éprouver en ce qu’Il vous donne. Concurrencez donc dans les bonnes œuvres. C’est vers Allah qu’est votre retour à tous; alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez. » (al-Ma’ida, 5:48).
Retenons ici que le Créateur a « voulu » la diversité, Sa Volonté s’impose à tous. Acceptons donc que nous ne sommes pas « une seule » communauté, mais plusieurs. La Beauté de la Création d’Allah se trouve dans la diversité. Que serait le monde si tous les êtres humains étaient pareils ? L’unicité est l’attribut du Créateur, et la multiplicité celui de la Créature. La sagesse recommande d’attendre patiemment qu’Allah explique ce sur quoi les gens ont divergé et pourquoi ils l’ont fait
« Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? » (Yunus, 10:99).
Allah est Omnipotent et Omniscient. Et comme son Omniscience exige que l’humanité soit libre, il ne la contraint pas à accepter la foi par la force. Le Prophète Muhammad (Paix et Salut sur lui) insistait pour que les gens acceptent l’Islam sur la base d’une acceptation volontaire et non par la contrainte.
Si Allah accepte que certains ne croient pas en Lui, comment pouvons-nous rejeter ceux qui ne pensent pas comme nous ?
Ces versets qui précèdent posent, de façon radicale, la nécessité de la tolérance pour les Croyants. Le dogmatisme, le fanatisme doivent être rejetés quelle qu’en soit la forme.
Pour ceux qui dirigent ou aspirent à diriger notre cher Sénégal, je vous exhorte humblement à considérer l’exemple de notre Prophète (Paix et Salut sur lui), dont la vie a été consacrée au dialogue avec les croyants, les athées, les idolâtres et les Gens du Livre. Les traités, les relations diplomatiques, ainsi que les partenariats commerciaux qu’il a noués sont autant de facettes de ce dialogue et ont contribué au rayonnement de l’Islam. Cultivez un dialogue sincère, juste, équitable, soyez ouverts d’esprit, rejetez la violence sous toutes ses formes, ouvrez vos cœurs à la diversité et la Baraka vous enveloppera.
Je ne peux conclure mon propos sans m’adresser à ceux qui ne sont pas d’accord avec mon argumentation ou qui refusent le dialogue avec le Président Macky Sall. Je pense que la meilleure façon d’exprimer son désaccord est justement de dialoguer, de demander à être compris tout en faisant l’effort de comprendre, en direct ou par médiation interposée. Si l’on refuse l’arme du dialogue, il ne reste plus que celle de la violence et de l’affrontement. Il faut éviter cela à tout prix pour préserver la paix dans notre pays. En cette période où les foyers de tension et de conflits se multiplient partout dans le monde, notre pays a besoin d’unité, de stabilité et de prospérité. Ce Sénégal de demain c’est dans la « co-construction» que nous le réaliserons, autour d’un leadership qui fait du dialogue, du partage du pouvoir, de l’Etat de droit, les ingrédients majeurs de sa gouvernance. Comme aimait à le dire le doyen Abdoulaye LY
«nu sellal » (nous comporter avec vertu) !
A Vous, Monsieur le Président, permettez que je Vous dise fraternellement et respectueusement : «C’est Vous qui êtes à la tête de notre pays et, à ce titre, Vous en êtes le premier Serviteur ! Après tant d’années, au cours desquelles vos réalisations se voient à l’œil nu, il est temps de refaire le tour complet du propriétaire, de nettoyer les écuries d’Augias, de redistribuer les cartes et de vous entourer de plus de compétences avérées en tous les domaines ! ».
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