Au Sénégal, les statistiques révèlent que l’informel génère 46% du PIB, représente 97% des unités économiques et concerne 90% des travailleurs si on tient compte de l’agriculture. En excluant le secteur agricole, l’emploi informel représente 60% de l’emploi total.
La courbe d’apprentissage renvoie à la relation entre le nombre de tentatives pour faire une tâche et la performance. Autrement dit elle met en relation l’évolution de la production et la réduction des coûts; l’idée étant que plus longtemps on est dans un domaine, plus on peut trouver des astuces et stratégies pour réduire les coûts de production et améliorer la productivité.
La trame de fond de notre analyse est que les acteurs de l’informel vont naturellement évoluer sur leur courbe d’apprentissage jusqu’à l’étape de formalisation.
Il faut d’ores et déjà souligner qu’il y a de l’emploi informel dans beaucoup d’entreprises formelles et même dans l’administration (emplois précaires, absence de sécurité sociale, faiblesse des rémunérations, dépassement des 40h de travail par semaine).
La faible contribution de l’informel aux recettes fiscales est souvent évoquée mais ce constat devrait toujours être mis en parallèle avec son rôle social qui fait économiser à l’Etat des transferts potentiels à des populations vulnérables pour qui l’informel est le seul secteur correspondant à leur profil. C’est peut-être l’une des raisons qui justifient la création récente de la zone d’activités des mécaniciens et professionnels de l’automobile (ZAMPA) par l’Etat du Sénégal.
En réalité, l’absence de barrière à l’entrée fait de l’informel une soupape de sécurité contre les pressions et tensions du marché du travail qui pourraient avoir des conséquences économiques et sociales sans précédent compte tenu de la jeunesse de notre population et des imperfections inhérentes au marché du travail dans nos pays.
L’informel est donc un amortisseur économique et social même si on peut le réorganiser, le structurer pour éviter le secteur anarchique et archaïque qui est tant décrié.
Toutefois, la formalisation ne doit pas être un objectif, mais une conséquence naturelle de l’évolution de l’activité informelle et de sa courbe d’apprentissage . A un moment donné et avec l’expérience, l’entreprise informelle peut accroître sa productivité et avoir besoin de crédits bancaires supplémentaires et/ou d’accéder à des marchés publics, opportunités qu’elle ne peut exploiter que si elle se formalise. Ainsi, c’est une transition « naturelle » et sans contrainte vers le formel pour se développer et se pérenniser.
Ce qui nous fait penser qu’il peut être contreproductif de chercher à formaliser l’informel plutôt que de l’accompagner dans sa matrice de transition, le long de sa courbe d’apprentissage.
Pr Abou KANE
FASEG/UCAD
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