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Évitement fiscal, fraude fiscale et fausse facturation commerciale : Les risques pour le secteur minier sénégalais #PDF

RÉSUMÉ ANALYTIQUE

La contribution des industries extractives du Sénégal aux recettes de l’État pourrait être comprise entre 8 % et 9 % jusqu’en 2030. Toutefois, les efforts déployés par les entreprises ou les particuliers pour éviter de payer leurs impôts pourraient réduire la contribution du secteur. Par exemple, il y a lieu de croire que les multinationales transfèrent environ 35 % de leurs bénéfices dans des paradis fiscaux. Ce problème touche les industries extractives et est particulièrement aigu dans les pays en développement comme le Sénégal. Les flux de fonds liés à la corruption, à l’exploitation minière illégale, au blanchiment d’argent et au contournement des réglementations peuvent également nuire à la capacité des pays riches en ressources naturelles de bénéficier de leurs industries extractives.

Le Sénégal semble être particulièrement concerné par ce type de problèmes. D’après diverses estimations, tous les ans, le pays perdrait de 1 % à 12 % de ses recettes fiscales en raison des divers types de flux financiers illicites cités plus haut, dont une part importante est liée au secteur minier. L’ampleur de cette fourchette d’estimations souligne la nécessité de disposer de meilleures données. D’où la présentation ici de nos propres estimations des pertes de recettes fiscales du Sénégal dues à la fausse facturation commerciale (fausses déclarations en douane), les chiffrant dans une fourchette de 57 millions de dollars à 153 millions de dollars (1 % à 3 % des recettes fiscales) en fonction de la méthode utilisée, dont une part substantielle est liée au secteur minier. Si elles étaient encaissées, ces recettes seraient suffisantes pour doubler la taille du programme sénégalais de transferts sociaux monétaires aux ménages.

Alors comment de telles pertes se produisent-elles ? Malgré la solidité du régime fiscal sénégalais à bien des égards et bien que les fonctionnaires aient une grande capacité à superviser les taxes des sociétés minières, des carences demeurent. Par exemple, le Sénégal pourrait accroître la coordination et l’échange d’informations entre le fisc et le ministère des Mines. Le pays devrait peut-être aussi accroître ses capacités pour procéder au contrôle fiscal des sociétés pétrolières et gazières, notamment par l’embauche de géologues.

S’ajoute à cela le risque d’autres pertes de recettes fiscales pour le Sénégal, attribuables à la fausse facturation commerciale. Les exportations d’or vers les Émirats arabes unis semblent être particulièrement visées, bien qu’à elles seules, elles ne représentent sans doute qu’une minorité des pertes de recettes fiscales essuyées par le Sénégal. Selon l’Agence nationale de la statistique du pays, une autre source majeure de pertes fiscales dans les industries extractives est la sous-déclaration de la valeur des minéraux, lorsque la société minière (ou une division du même groupe) procède à leur traitement au Sénégal.

Un autre domaine de possible vulnérabilité concerne les sous-traitants dans les industries extractives. Lorsqu’il est fait recours à des sous-traitants appartenant au même groupe multinational qui sont basés à l’étranger pour approvisionner des entreprises extractives sénégalaises, il arrive que ceux-ci soient mis à contribution pour gonfler artificiellement les coûts. Ces sous-traitants détournent à leur profit une part substantielle des recettes brutes du secteur extractif et peuvent bénéficier de conventions fiscales qui leur permettent d’échapper à l’impôt.

Les autorités sénégalaises devraient également rester vigilantes aux risques d’abus des conventions fiscales que le Sénégal a signées avec d’autres pays (directement ou indirectement par le biais de traités bilatéraux d’investissement), dans la mesure où plusieurs multinationales opérant dans les industries extractives en bénéficient.

Il nous apparaît qu’un certain nombre de mesures permettraient de remédier à ces problèmes. Par exemple, nous recommandons que le gouvernement et les parlementaires sénégalais renforcent l’autorité fiscale du pays, à savoir la Direction Générale des Impôts et des Domaines, en embauchant plus de personnel, et qu’ils restent vigilants face aux risques posés par les conventions fiscales et les traités bilatéraux d’investissement. À la Direction Générale des Impôts et des Domaines, nous recommandons que les agents coordonnent mieux leurs activités avec le ministère des Mines et échangent davantage avec les autorités douanières des partenaires commerciaux du Sénégal, dans le but de contribuer à la prévention de la fausse facturation commerciale.

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