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« Avec un vote massif nous gagnerons les élections à Kaolack quelles que soient les tricheries » * Fadel Barro

Candidat à la mairie de Kaolack sous la bannière de Jàmmi Gox Yi, Fadel Barro décline les raisons qui sous tendent son engagement. Dans cet entretien paru dans Tribune, il se prononce par ailleurs sur le contexte préélectoral marqué par des risques de violence et des accusations de fraude.

Par Mohamed NDJIM

Quels sont les tenants et aboutissants de la coalition Jàmmi Gox Yi à la tête de laquelle vous briguez la mairie de Kaolack ?

En réalité nous sommes partis du concept de Jàmm parce que nous avons estimé que nos populations vulnérabilisées ne sont pas dans le jàmm. Mais le jàmm ne signifie pas que la paix comme en français. La locution paix en français ne traduit pas la réalité de jàmm dans nos imaginaires populaires africains où jàmm traduit un état d’épanouissement total d’un individu, impliquant son épanouissement politique, son épanouissement social, son épanouissement sanitaire, son épanouissement culturel, sportif et autour du vivant. L’absence d’éducation pour tous, l’absence de santé pour tous, l’absence d’emploi pour tous, si on ne fait pas attention, peuvent conduire notre pays dans le chaos. Les clivages politiques qui ne sont que la conséquence d’un mal être profond chez les Sénégalais aussi entrainent une violence qu’il nous faut absorber et résorber vite. C’est pour cela que nous avons proposé le concept de jàmm qui est parti de Kaolack mais très vite des mouvements qui auraient les mêmes idéologies et les mêmes modes de fonctionnement dans différentes localités du pays comme à Goudomp, Thiès, Louga, Saint-Louis ont estimé qu’il fallait qu’on aille ensemble aux élections. Aller ensemble aux élections pour aussi sortir de ce clivage pouvoir/opposition qui ne permet plus de poser le débat au niveau des vraies préoccupations des citoyens à la base, qui ne permet pas de témoigner des efforts de certains citoyens pour sortir leur territoire de leurs difficultés. Ces gens là qui n’ont envie d’aller ni dans l’opposition, ni dans le pouvoir se sont retrouvés pour créer la coalition Jàmmi Gox Yi. Et c’est Jàmmi Gox Yi qui a porté notre candidature à la maire de Kaolack, aujourd’hui nous sommes une trentaine de listes un peu partout dans le pays et chacun travaille de manière indépendante au niveau de sa collectivité pour porter les vraies aspirations du changement.

Sur quoi se fonde votre engagement à Kaolack ?

Ce qui est charmant à Kaolack c’est que cette coalition est portée par les jeunes qui se sont dits qu’ils ont essayé plusieurs profils, scientifique, doomu daara, politicien, hommes d’affaires mais ça n’a pas marché. Cette fois ci les jeunes, dans leurs différentes composantes, des associations culturelles, des associations sportives, des associations citoyennes, des associations de développement local se sont retrouvés avec la volonté de récupérer leur municipalité avec une synergie autour l’objectif général qui est sortir Kaolack de son marasme économique et social et capitaliser sur ses propres opportunités ignorées. Il faut sortir Kaolack de ça mais pour cela il faut que les jeunes se réapproprient leur ville, leur mairie. Pour nous et cette jeunesse la mairie n’est pas une finalité, c’est un objectif spécifique, un outil qu’on mettra au service de cet objectif général qui est de réparer notre ville qui est totalement abimée aujourd’hui. La nouveauté au niveau de Kaolack c’est cette effervescence au niveau des jeunes qui, sans les moyens des autres candidats, ont estimé devoir compter sur leurs propres valeurs et sur leur propre détermination et leur engagement pour que les choses évoluent dans notre localité.

Avez-vous bien évalué vos chances face aux autres candidats ?

Nous allons gagner. Ils ne peuvent pas nous contenir parce que rien ne peut arrêter une jeunesse déterminée à changer, une population longtemps trompée, longtemps trahie, longtemps vulnérabilisée et qui a décidé de changer les choses. Nos adversaires ne voient même pas la vague qui arrive. Ils sont sur des calculs politiciens du camp de Modou Ndiaye Rahma tandis que de l’autre côté ils pensent comme Serigne Mboup qu’avec l’argent ils peuvent y arriver. Aujourd’hui nous travaillons sur d’autres imaginaires, les gens ont compris que ce n’est pas l’argent qui est l’alpha et l’oméga. L’argent arrive dans un processus après un travail bien fait, un vrai projet de société qui est fondé sur l’innovation, la transformation, la redistribution, la formation continue. A partir de ces quatre principes nous allons réépanouir cette ville avec tout ce qu’elle compte en termes de possibilités sur le plan du tourisme spirituel, sur le plan de sa situation géographique de carrefour, mais aussi sur le plan sportif, culturel où Kaoalack a toujours été pourvoyeur de grandes personnalités et de grands leaders. Nous travaillons sérieusement alors qu’ailleurs ils sont dans des formes de politique démodées qu’on doit vite raccrocher. C’est à notre génération d’assumer cette responsabilité-là, de tourner cette page politico politicienne. C’est à nous d’en finir avec ça.

Il y a des germes de violence dans ce contexte préélectoral. Quel regard portez-vous sur cette tension politique ?

Je crois que la violence actuelle n’est que la conséquence d’un problème beaucoup plus profond, d’un problème beaucoup plus grave qui est l’absence de vision en politique, l’absence de projets de société clairs à présenter aux populations. Cette tension vient souvent de l’Etat qui n’a d’autre réponse que la violence face à ses citoyens qui deviennent de plus en plus exigeants. Et d’autres part nous avons au niveau de notre classe politique l’absence de projets qui rassurent, d’une vision claire de l’avenir du Sénégal dans les cinquante ans, dans les cent ans, dans les mille ans à venir. Cette absence d’horizon fait que les gens ont autant recours à la violence. C’est pourquoi que le concept de Jàmmi Gox Yi a toute son importance. C’est une réponse aux questionnements des Sénégalais dans ces périodes d’incertitude. Je dois vous rappeler que Jàmmi s’inspire du concept de Moya qui veut dire dignité que nous développons avec le Professeur Felwine Sarr depuis 2016. Nous avons beaucoup travaillé sur çà et nous avons fait cette déclinaison sur le Jàmmi comme moyen d’atteindre la dignité de l’homme. Par les moyens de la paix nous voulons atteindre cette humanitude parce que la dignité de l’humain n’est pas un idéal ni un acquis définitif, c’est une quête et une conquête inlassable des individus et des sociétés dans le mouvement de leur vie. La paix véritable implique un bien être économique et social, une dignité politique mais également une prise en compte des spiritualités et des humanités qui fondent l’épanouissement des communautés. C’est pour cela que conscients de nos responsabilités de citoyens nous décidons de nous engager résolument dans la construction de cet espace politique, social et culturel qui crée les conditions pour les individus et les communautés d’un épanouissement et d’un bien-être économique et social. Et dès qu’on rentre dans ce processus là on n’est plus dans la violence, on est dans la construction, on est dans la créativité.

L’acte 3 de la décentralisation est décrié, notamment par rapport à l’allocation insuffisante de ressources aux collectivités territoriales. Comment comptez-vous faire face à ce besoin de ressources pour développer Kaolack ?

Nous estimons qu’à Kaolack il faut d’abord sortir de ces mairies post coloniales où on attend tout des donations de l’Etat pour bouger ou ne pas bouger. Nous voulons créer une mairie jeune, pensée avec les populations, qui est au service des populations. Une mairie de service qui est au service des gens et non une mairie de captation de ressources et d’exploitation tout simplement. Nous allons faire une mairie smart, qui interagit avec les gens, qui les mobilise, qui les accompagne dans la formation. L’acte 3 de la décentralisation, les moyens de l’Etat tout cela est secondaire par rapport au vrai travail d’accompagnement des populations dans leur vécu quotidien, de sensibilisation, de formation, de formulation de projets pour aller trouver les financements partout où on peut les trouver tout en mobilisant d’abord nos propres ressources. Je pense que si on trouve cette intelligence dans la mobilisation de nos propres ressources locales on ne peut plus être dans la dépendance. Des candidats comme Rahma, comme Serigne Mboup font croire que, parce qu’ils ont de l’argent, ils vont venir régler le problème de la ville. Au contraire c’est parce qu’ils ont des problèmes d’argent qu’ils veulent prendre la ville pour résoudre leurs problèmes parce que quand leurs affaires allaient très bien ils n’ont jamais voulu faire de la politique. Maintenant qu’ils sont certainement très endettés, parce qu’on sait comment ça se passe, ils veulent s’appuyer sur la mairie pour pouvoir capter des ressources, utiliser le foncier de Kaolack… Il faut arrêter ce système là ; ce n’est pas un homme providentiel qui va venir régler le problème des Kaolackois. Il nous faut nous mobiliser nous-mêmes, voir quelles sont les ressources disponibles, quel type d’interactions on peut avoir avec les citoyens, les ressources, les possibilités qu’a Kaolack pour créer ensemble de la richesse et par-delà une meilleure redistribution qui touche tout le monde.

On parle çà et là de fraude électorale. Pensez-vous qu’il y ait un risque que le suffrage des Kaolackois soit détourné ?

Il y a toujours un risque de fraude mais nous ne sommes pas obnubilés par l’attrait du pouvoir. On veut devenir la voix du Saloum. Le Saloum n’a plus de voix, Kaolack n’a plus de voix. On s’occupera du fichier électoral mais s’il y a un vote massif, quelles que soient les tricheries, on gagnera ; et on espère que les jeunes se mobiliseront.

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