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Attribution de terres à Nguéniène : Le protocole de la honte (Philippe Malick Dione Aga Biram)

Voulant justifier l’importance du projet agricole de la multinationale espagnole PRODUMEL, les partisans du Maire de Nguéniène tentent d’expliquer, avec beaucoup de peine, à l’occasion de leurs sorties, son bien-fondé. Cet exercice est très périlleux pour eux dans la mesure où le protocole d’accord signé en vue de l’exploitation des 100ha affectés par décision N°27 C.NG du 23 novembre 2016 du Conseil Municipal de Nguéniène (décision approuvée par le Sous-préfet de Sessène en date du 19 Décembre 2016) est vide et sans intérêt pour la Commune et ses populations. Il faut noter que ce protocole, avec tous ses manquements est une avancée notoire.  Ne soyez pas étonnés, c’est la triste réalité. Les 202ha affectés à la même société entre 2010 et 2015, ne sont guère accompagnés d’un quelconque protocole. Au cas contraire, Monsieur le Maire et ses partisans sont dans l’incapacité de le brandir afin que le droit à l’information des citoyens sur la gestion des ressources naturelles, violé depuis le début de cette question soit respecté.

Ce protocole qui ne garantit nullement une exploitation durable des terres et venu d’une part renforcer la marginalisation de la couche agropastorale et d’autres part, développer progressivement la corruption foncière, est l’exemple typique de cette célèbre expression : « mettre les charrues avant les bœufs ».

Le bon sens voudrait que la délibération faisant parti des obligations de la Commune envers PRODUMEL soit faite qu’après signature du protocole. Celle-ci date du 23novembre 2016. Quant au protocole, il est daté du 31 janvier 2019. Quelle aberration !!!

Au chapitre 2 dudit protocole, il est défini les obligations de PRODUMEL. L’article 1 fait mention d’un versement de 15millions de CFA/an au titre de la contribution sociétale de l’entreprise au développement économique, social et culturel de la Commune. L’article 2, indique que la société « s’engage à aménager, à la fin de chacune de ses campagnes maraichères, une superficie de 6ha de Gombo au bénéfice des populations de Guedj et mettre à leur disposition les intrants nécessaires ». L’article 6 stipule que le « contrat est établi pour une durée de 5ans, est reconduit de façon tacite, tant que PRODUMEL respecte les conditions liées à l’affectation du périmètre et celles contenues dans le présent protocole. »

Quel manque à gagner et pour le Conseil Municipal et pour les populations !!!

Pour le Conseil Municipal :

Ce dernier fait face à un déficit budgétaire énorme et chronique. Les travaux d’études et de recherches que nous avons menés sur le système de recouvrement des recettes de la Commune ont montré que le taux de recouvrement global annuel ne dépasse pas 40%, ce qui impacte considérablement sur le budget de fonctionnement et d’investissement de la Collectivité Territoriale. Cette dernière gagnerait donc à signer des accords qui lui permettraient de renforcer ses investissements afin d’établir une véritable politique de développement économique et sociale à la base. Comparé à d’autre protocole, celui-ci n’est pas bénéfique. Il ne prend pas en compte certains avantages que sont les taxes municipales et les redevances agricoles.

Pour les populations

Cette affectation les prive de leur espace vital pastoral restant où paissent plus de 10 000 têtes de bovins, sans compter les caprins et les ovins. Malheureusement, la décision n’étant pas accompagnée de mesures permettant d’atténuer les impacts négatifs sur l’élevage, va contraindre les pasteurs à la transhumance, à défaut de tuer l’élevage dans la zone. En outre, l’aménagement d’un espace pour la culture du Gombo comme unique redevance envers les populations, est un manque d’ambitions pour elles et à la limite une insulte. Nos recherches menées dans la zone lors de la rédaction d’un de nos mémoires ont montré que les prix de cette spéculation connaissent une baisse drastique durant l’hivernage. En plus, à quoi servirait cet aménagement, si la commercialisation n’est pas assurée ? Durant l’hivernage, les produits sont écoulés difficilement. Les villages sont très enclavés et les producteurs n’ont pas d’unités de conservation. Les paysans font face à plusieurs problèmes : matériels rudimentaires, animaux de traite mal nourris, variabilité pluviométrique, sols dégradés, récoltes insuffisantes, manque d’eau, de structures sanitaires, d’écoles. La logique voudrait qu’on les aide à trouver des solutions à ces problèmes avec l’appui des partenaires à travers la modernisation des outils, des programmes de formation aux techniques agricoles, la mise en place d’une chaîne de transformation et de commercialisation des récoltes, la construction d’infrastructures sociales de base; et non de les maintenir dans la dépendance. Par ailleurs, le protocole n’a pas défini ni le mode de recrutement, ni le statut, ni le traitement salarial des ouvriers.

Reconduire ce même protocole tous les 5ans, tant que PRODUMEL respecte ses engagements, c’est vraiment manquer d’ambitions. La contribution à verser est fixe alors que les revenus de la société, sans risque de nous tromper ne feront qu’augmenter d’années en années. Ne devrait-on pas fixer un pourcentage en fonction des bénéfices de la société ? Cherche-t-on à enrichir un étranger ? Y’aurait t-il par hasard des dessous de table signés sur le dos des pauvres populations ?

Tout ce cirque est organisé par des conseillers bien connu du Conseil Municipal ayant induit en erreur le défunt Maire (Paix à son âme), certains conseillers et autorités administratives de bonne foi. Ceux sont ces gens qui aujourd’hui tentent contre vents et marées de défendre l’indéfendable. À ces « nains intellectuels », nous demandons d’aller se former afin d’être à la hauteur. Dans l’avenir, qu’ils prennent des décisions inclusives.

La Commune gagnerait à nouer un partenariat gagnant-gagnant avec les entreprises ayant les moyens. Les protocoles doivent être basés sur la concertation, avec l’implication des Organisations Communautaires de Base (OCB). Ceci permettrait à la Collectivité Territoriale, non seulement de combler son déficit budgétaire, d’augmenter la qualité du niveau des ressources humaines, mais d’améliorer les conditions de vie des paysans et des éleveurs de la localité en vue de contribuer à leur émancipation sociale.

À ces « nains intellectuels », nous faisons part des avantages d’une bonne gouvernance des ressources foncières que sont : prévention des conflits, une bonne croissance économique et des opportunités d’emplois, la préservation de l’environnement, une agriculture et un élevage durables, une bonne gestion publique qui va permettre à l’État et aux Collectivités Territoriales de bénéficier de la taxation foncière.

Par ailleurs, les questions que nous nous posons sont relatives d’une part à la base juridique de ces conventions et d’autre part au statut des terres attribuées aux multinationales ; sans oublier les compétences des Collectivités Territoriales à délibérer sur des terres du domaine national au profit des personnes étrangères.

L’article 3 du décret 72-1288 du 27 octobre 1972 proscrit toute transaction sur des terres du domaine national, notamment toute vente ou louage. Quelles sont donc les bases légales de signature de ses conventions ?

Les terres affectées aux multinationales, le sont-elles ad vitam æternam ? Pense-t-on aux générations futures qui doivent avoir un toit, des champs à cultiver, des pâturages ?

L’article 18 du décret n°64-573 du 30 Juillet 1964 fixant les conditions d’application de la loi n°64-46 du 17 Juin 1964 relative au domaine national stipule que « Article 18. –Les terres de cultures et de défrichement sont affectées aux membres de la communauté, groupés ou non en associations ou coopératives, en fonction de leur capacité d’assurer directement ou avec l’aide des membres de leur famille, la mise en valeur de ces terres conformément au programme particulier du terroir.»

Une réforme foncière s’impose et ceci incombe à l’État qui a l’obligation d’y associer tous les acteurs à la base.

Rappelons-le, la constitution du Sénégal, notamment en son article 25-1 dispose :

« Article 25-1. – Les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie. L’exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population en général et à être écologiquement durables.

 L’État et les collectivités territoriales ont l’obligation de veiller à la préservation du patrimoine foncier. »

L’Union des Jeunes Réformistes de la Zone Nord et la « jeunesse » responsable de la Commune, ne sauraient accepter qu’on affecte leurs terres à une société privée non ressortissante de leur terroir, en violation de leurs droits les plus absolus disposés par la constitution.

Philippe Malick Dione Aga Biram

pmdione416@gmail.com

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