Assemblée générale de la SODAV : Quelles leçons en tirer (Par Docteur Biram Ndeck Ndiaye, auteur et juriste)
La SODAV a tenu son Assemblée générale ordinaire le jeudi 27 juin 2024 au Théâtre National. Cette analyse d’un acteur du domaine concerné et témoin de l’événement vise aussi bien la forme que le fond.
1) SUR LA FORME
Les documents relatifs à l’Assemblée devaient être joints à la convocation quinze (15) jours au moins avant la tenue de l’assemblée pour permettre aux associés participants d’en prendre connaissance et de mieux se préparer. Malheureusement, le rapport n’a été disponible que juste avant l’ouverture des travaux, ce qui n’a pas permis de l’étudier sérieusement.
La présentation orale du rapport devait normalement être suivie de discussions avant adoption afin de permettre aux participants de demander des explications/précisions sur certains points présentés. La parole leur a été refusée à l’exception d’une personne qui l’a arrachée.
A la surprise générale, il a été demandé d’approuver le rapport par acclamation, sans discussions ni questions. Après le refus des sociétaires présents et le vacarme qui s’en est suivi, le rapport annuel 2023 n’a pas été approuvé par ceux qui devaient l’approuver. Il y a donc irrégularité, vice de forme. Les associés doivent être associés. Ils sont les mandataires du Conseil d’Administration et de la Direction-gérance.
S’il y a des dispositions illégales dans la réglementation régissant la SODAV, elles sont nulles et de nul effet. L’acclamation n’est pas la seule voie possible pour entériner une décision et surtout quand les huées prennent la place de ladite acclamation. C’est plutôt une désapprobation.
Le vote doit être démocratique (permettre aux opinions contraires de s’exprimer), transparent (permettre des questions et explications sur les chiffres avancés) et sincère (refléter la réalité des chiffres, des positions et respecter la majorité).
Un faible taux de participation a été enregistré lors du vote pour élire le 1/3 des membres du Conseil d’Administration. Le total des membres (sociétaires/associés) est de 11 707 et pour le collège des auteurs qui compte 9 774 membres mais seules 94 personnes ont voté pour élire leur représentant dans la section “Auteurs d’œuvres musicales” et la personne élue a recueilli 24 suffrages exprimés dont sa propre voix. Cela ne traduirait-il pas une forme de désaffection des ayants droit vis-à-vis de cette Assemblée de la SODAV ? Il serait important d’en analyser les causes. L’absence des principaux intéressés peut s’expliquer par le fait qu’on leur refuse la parole à l’Assemblée générale. Le fait de ne pas pouvoir s’exprimer librement en toute démocratie peut expliquer parfois la violence verbale et le vacarme. La liberté d’expression est un droit fondamental pour un associé. Le comble, c’est de refuser d’associer les associés à la prise de décisions. En outre, on peut se demander si le quorum a été atteint pour tenir l’Assemblée générale et délibérer valablement. Cela n’a pas été vérifié.
2) SUR LE FOND (les chiffres et la gestion)
Quel est le montant qui alimente ce Fonds pour la retraite annoncé lors de l’Assemblée générale du 27 juin 2024 et qui doit s’étaler sur plusieurs années ?
Qui en est bénéficiaire? Quels anciens sociétaires sont concernés ? Quels sont les critères pour en bénéficier? Quel montant a déjà été alloué ? Il serait important de communiquer sur le montant actuel de ce fonds et comment il approvisionné après année. La retraite étant un placement à long terme, cette épargne doit être rémunérée par un dépôt à terme (DAT) si elle est placée dans une banque.
L’endettement des sociétaires et du personnel est estimé à 302 980 155F CFA selon le rapport annuel 2023 et les dettes dues par les usagers du répertoire (radios, télés…) s’élèvent à 499 310 018 F CFA. Le commissaire aux comptes a attiré l’attention sur le traitement qui doit en être fait. Faudrait-il les recouvrer ou les annuler?
Comme suggestion, on peut ajouter le Fonds de retraite existant au montant prêté à recouvrer pour en faire un Fonds pour la santé et la retraite. Ainsi tous les associés seront concernés avec la notion d’égalité devant la maladie et la retraite. Un capital minimum pourrait être versé au sociétaire bénéficiaire à l’âge fixé pour la retraite (60 ans). En contrepartie, un pourcentage (5 à 10%) ou un montant minimum forfaitaire sera prélevé sur chaque répartition comme contribution à ce fonds. Un montant est déjà prélevé d’office pour le fonds social, le fonds de retraite (inconnu des concernés et du public) et les 5% de TPS retenue comparée à la TVA). Nous disons oui aux prélèvements qui bénéficieront ultérieurement aux sociétaires comme celles afférentes à la santé et à la retraite.
La Subvention reçue de l’État est de 241 574 166 F CFA mais est réservée uniquement au fonctionnement de la SODAV. La part des perceptions allouée au fonctionnement doit donc être diminuée de ce montant et versée aux ayants droit en augmentant ainsi la part consacrée aux répartitions.
S’agissant du Fonctionnement de la SODAV, il y a une contradiction entre les 36% figurant dans le règlement de la SODAV et les 16% annoncés dans la présentation orale lors de l’Assemblée générale (0% lors des 2 exercices précédents, à savoir 2021 et 2022, ce qui peut susciter des interrogations). A quels chiffres se fier ? Quel taux doit-on retenir entre 0%, 16% et 35% ? Quelle limite ne pas dépasser pour une gestion optimale?
Pour ce qui concerne la Répartition, on note une contradiction entre les 95% annoncés et les 65% figurant dans le règlement de la SODAV. Plus le montant est élevé, mieux c’est pour les auteurs, interprètes, producteurs et éditeurs. La part consacrée au fonctionnement ne doit pas dépasser les normes de gestion optimale recommandées et/ou pratiquées au plan international, surtout avec la subvention de l’État.
Qu’est-ce qui explique que les taux de gestion passent de 0% en 2021 et 2022 pour monter subitement à 16% en 2023 alors qu’il y a toujours la subvention de l’État versée par le Ministère en charge de la Culture ? Il est à noter que cette subvention est supérieure aux charges de personnel qui sont de 232 210 116 F CFA l’équivalent de 19 350 843 F CFA par mois.
Le total des charges de fonctionnement s’est élevé à 515 460 807 F CFA en 2023. Si on y ajoute les créances dues par les usagers du répertoire (499 310 018 FCFA) et l’endettement des sociétaires et du personnel (302 980 155 F CFA), on aura un montant total de 1 317 750 980 FCFA qui ne vont pas enrichir le portefeuille du sociétaire (auteur, interprète, producteur et éditeur).
Les répartitions (sommes versées aux sociétaires) sont de 578 116 418 F CFA alors que les charges de fonctionnement s’élèvent à 519 469 807 F CFA. Cela signifie que pour faire fonctionner la SODAV on dépense presque autant que le montant total qu’on verse aux ayants droit, avec une légère différence de 58 646 611 F CFA. On constate que le montant alloué aux sociétaires est presque égal à celui dépensé pour faire fonctionner la SODAV. Dans la réalité, les charges de fonctionnement représentent environ 90% du montant alloué aux répartitions (89,85%) pour 11 707 membres. C’est cela la vérité crue. Quelle est la rentabilité d’une telle opération ? Il faudra faire d’énormes efforts de gestion pour inverser la tendance. Des efforts sont faits dans certains domaines mais il faudra gérer le fonctionnement avec plus de parcimonie, de rigueur avec des critères objectifs, notamment pour ce qui concerne le Fonds de l’Action Sociale qui a distribué 50 724 066 F CFA en 2023. A combien s’élève ce fonds et quel est le montant qui reste en solde après versement à des membres sélectionnés par la SODAV? Il pourrait fonctionner comme une mutuelle sociale pour une meilleure efficacité.
Enfin, les dettes sociales doivent être payés aux organismes sociaux (Sécurité Sociale, IPRES, IPM) pour éviter des surprises désagréables pour le personnel malade ou à la retraite.
Les droits d’auteur et droits voisins pouvant être considérés comme un salaire différé il faut les reverser le plus tôt possible après leur perception, en raccourcissant les délais. Des droits ont été payés 2 à 3 années plus tard, ce qui met leurs titulaires dans une situation très délicate.
Pour finir la SODAV verse 578 116 418 F CFA aux ayants droit, retient 111521 884 F CFA sur les perceptions des membres et reçoit 241 574 166 F CFA ce qui fait un total de 353 096 050 FCFA et déclare des charges de fonctionnement de 515460807 FCFA, soit un écart de 162 364 757 F CFA. Comment le justifier avec une Assemblée générale sans débats? L’Assemblee générale est l’occasion rêvée pour ne pas dire unique de recueillir les contributions et questions des membres associés. Dommage que le mandataire empêche celui qui l’a mandaté, voire employé, de prendre la parole. C’est le comble et ce pose inéluctablement la question de la sincérité des comptes (rapport non approuvé en séance publique). Au lieu de s’auto-évaluer les organes élus et nommés doivent laisser cette prérogative à l’Assemblée.
Les avis et suggestions des membres sociétaires/associés doivent être pris en considération avec tout le sérieux nécessaire.
En conclusion, il serait important de bien connaître la place et le rôle de chacun. Les rôles d’administration et de gestion de la SODAV sont confiés au Conseil d’administration et au Directeur-gérant par l’Assemblée des sociétaires qui ont un droit de regard sur la marche de cette société civile professionnelle. Les associés (sociétaires) en sont le patron et déclinent leur position lors de l’Assemblée générale, l’employeur mais, curieusement, certains comprennent malheureusement le contraire. Sous nos tropiques celui que tu Elis te toise ensuite en te demandant de le supplier en te disant droit dans les yeux: “ci njekk nak”.
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