« (…) Le Conseil a examiné et adopté : le projet de loi portant amnistie (…) ». C’est le bout de phrase résumant l’adoption, le mercredi 28 février, du projet de loi sur l’amnistie en Conseil des ministres. « Les ministres adoptent le projet de loi d’amnistie sans voir le document », renseigne L’Observateur. La célérité dans le projet de loi a, sans nul doute, rendu les ministres « amnésiques » le temps d’une adoption. L’« amnésie ministérielle » est un aide-mémoire épousant parfaitement les intentions de la loi d’amnistie portée par Macky Sall : amnistier pour amnésier. Pour mémoire, il avait annoncé la couleur depuis le lundi 26 février à Diamniadio : « Que les gens soient d’accord ou pas, je soumettrai le projet de loi d’amnistie à l’Assemblée nationale ». C’est fait. Une amnistie sur les faits se rapportant aux manifestations politiques survenues entre 2021 et 2024.
La loi d’amnistie compte effacer de la mémoire collective la période partant de l’affaire « Sweet Beauté » aux conséquences du report de la présidentielle du 25 février 2024. Elle n’épargne même pas les récentes victimes des manifestations politiques de février 2024 : Landing Camara, Alpha Yéro Tounkara, Modou Guèye et Prosper Clédor Senghor. Pour rappel, leur quarantième jour n’est pas encore célébré par leurs familles respectives. Or, dans la tradition musulmane comme catholique, le quarantième jour après le décès est considéré comme une étape importante dans le processus de deuil. C’est comme la vérité et la justice dans le processus du deuil, du pardon et de la réconciliation. L’existence dans le passé de commissions « vérité, justice et réconciliation » dans d’autres pays en est une parfaite illustration. Pour une réconciliation nationale, il y a différentes phases à respecter pour éviter une résurgence des faits graves dans le futur pouvant remettre en cause tout le processus.
L’organisation de la présidentielle dans les plus brefs délais reste la principale préoccupation du moment. Ce n’est point un dialogue ou une loi d’amnistie sans délai. Et sans préavis, la mer nous rappelle encore l’échec de nos gouvernants. Au moment où ils adoptaient une impopulaire loi d’amnistie, des jeunes, en partance pour les côtes espagnoles, périssaient au large de Saint-Louis dans l’indifférence totale. C’est sûrement l’amnésie qui est passée par là. De toute façon, ils ont déjà fait le deuil sur les solutions pouvant atténuer la tragédie migratoire. C’est une véritable tragédie. Une tragédie sans bilan, sans compte-rendu, sans assistance, sans responsable, sans coupable. Seulement des victimes, et le plus souvent, avec comme sépulture la mer ou le désert.
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