Quelque part dans le monde, il y a un paragraphe, un chapitre ou un livre qui changerait ta vie si tu le lisais. Ce sont des informations qui apportent une rupture, une progression significative, dans un domaine. Qui te font complètement changer ta vision.
Maîtriser la capacité de trouver ce genre de connaissances, dans notre ère de surcharge d’information, est l’une des plus importantes compétences que nous pouvons développer.
Nous avons tous connu au moins une expérience de rupture. Une phrase qu’un parent, un mentor ou un prof nous a dit et qui s’est imprimée dans notre esprit. Et qui a tout changé en nous. Un livre révolutionnaire qui nous a bouleversé.
Par exemple, le livre de rupture de Warren Buffet était The Intelligent Investor, qu’il a lu lorsqu’il avait 19 ans. Ce livre constitue le fondement de la philosophie d’investissement que Buffet utilisera ensuite tout au long de sa carrière. Pour Elon Musk, c’était Le guide du voyageur galactique. Ce livre l’a aidé à se poser de plus grandes questions et à vouloir résoudre des problèmes toujours plus grands.
Les livres révolutionnaires sont rares. Mais un seul en vaut des milliers qui sont bons. Une expérience choc peut ne nous prendre que quelques minutes mais son effet dure toute la vie. C’est la courbe d’apprentissage ultime.
Maintenant, imagine-toi avoir ce genre d’expérience accélérée une fois par an au lieu d’une fois tous les dix ans. Ou même, deux fois par mois au lieu d’une fois par an. Cela changerait tout. Et c’est justement possible.
Etant donné le pouvoir de la connaissance accélérée et la difficulté de la trouver, une des questions les plus fondamentales que l’on devrait se poser est : comment fait-on pour utiliser notre temps limité pour trouver la connaissance de rupture dans un océan de distraction ?
Les 4 cavaliers de l’« Info-Apocalypse»
Bien que nous pensons que la surcharge d’information est un gros problème, elle se décompose en fait en quatre problèmes qui s’aggravent mutuellement de façon exponentielle.
Cette crise risque collectivement de nous rendre plus stupides au lieu de nous rendre plus intelligents. Elle risque aussi de nous séparer au lieu de nous rapprocher. Généralement, cette crise porte de nombreux noms mais celui qui me semble le plus approprié est Info-Apocalypse.
Les quatre problèmes qui composent l’Info- Apocalypse sont :
- Le choc de contenu
- La chambre d’écho
- La distraction permanente
- Le FOMO (Fear of missing out, soit la peur de passer à côté de quelque chose d’important)
Le problème n°1 de l’Infocalypse : Le choc de contenu
« Une mine d’information créé une pauvreté d’attention… » (Herbert A. Simon).
Avec l’avènement de la publication on line et des réseaux sociaux, la quantité de connaissances disponibles s’accroît si rapidement qu’aucun de nous ne peut suivre le rythme. A chaque seconde qui passe, de nouveaux flux de contenus s’entassent sur le stock existant. L’écart entre ce savoir humain collectif et notre temps de consommation s’accroît sans cesse.
Le problème : de nombreuses nouvelles informations et plein de compétences que nous pourrions apprendre sont disponibles quelque part, à un endroit. Mais elles sont tellement enfouies que nous ne savons même pas qu’elles existent.
Le problème n°2 de l’Infocalypse : La chambre d’écho
Au fur et à mesure que les groupes grandissent en taille, ils deviennent moins stables et plus diversifiés. Puis ils finissent par se fractionner en sous-groupes. On observe ce phénomène avec netteté dans la religion par exemple. Le judaïsme a grandit jusqu’à se ramener à plusieurs groupes différents. L’un d’eux est devenu le christianisme. Lui-même a grandit et a donné le catholicisme et le protestantisme. Le protestantisme s’est ramifié en plusieurs familes : les baptistes, les méthodiste, les luthériens, etc.
Cela se produit dans tous les domaines, disciplines et communautés en croissance. Chaque nouveau groupe développe sa propre langue et sa culture. Tandis que cela améliore la communication au sein du groupe, il devient de plus en plus difficile pour la connaissance de voyager à l’extérieur du groupe. Elle doit en effet être traduite selon de nouveaux codes culturels voire même linguistiques.
Chaque groupe développe une identité basée, en partie, sur la façon dont il est différent ou meilleur que les autres groupes. Ces cloisons entre groupes conduisent à la polarisation et aux préjugés. On pense tout de suite à la religion et à la politique. Mais, en fait, cela se produit dans tous les domaines.
Le problème : chaque groupe vit dans sa chambre d’écho qu’il considère comme la « vraie » réalité. Et pour maintenir cette conviction, il se bat en diabolisant les autres groupes. Et, à l’ère des réseaux sociaux, ces chambres d’écho s’isolent de plus en plus les unes des autres.
Le problème n°3 de l’Infocalypse : La distraction permanente
Les spécialistes du marketing, les développeurs de logiciels et les hackers ont un accès sans précédent aux données sur le comportement humain. Ils utilisent ces informations pour maîtriser l’art de capturer l’attention des gens afin de les rendre toujours plus dépendants de leurs produits. Des milliards de dollars sont dépensés chaque année à cette fin. Ils ont développé des modèles commerciaux basés sur la publicité – soit la propagation de fausses informations – afin d’obtenir un maximum de clics pour un minimum d’efforts.
Pour compliquer les choses encore plus, dans un futur pas si éloigné que cela, une part significative de la population pourrait regarder la vie à travers des lunettes de réalité virtuelle augmentée, ce qui aggraverait le problème.
Le problème : Notre environnement physique et virtuel est entouré par de plus en plus de contenus – qu’il s’agisse d’éditoriaux, de publicités ou de fake news. Ce contenu est spécialement conçu pour exploiter nos faiblesses. Il s’agit donc d’une puissante distraction qui peut nous empêcher de rechercher des informations plus utiles ou d’atteindre nos objectifs.
Le problème n°4 de l’Infocalypse : Le FOMO (Fear of missing out)
Aujourd’hui, comparé à il y a 10 ans, il y a bien plus de contenus pour lesquels nous nous disons : « j’aimerais voir ça ou lire ça ». Mais avoir plus de choix n’est pas nécessairement une bonne chose. En fait, avoir trop de choix peut devenir étouffant. Surtout quand, dans ce « trop de choix », il y a beaucoup de bons choix. La situation peut vite devenir paralysante. On se retrouve en effet à faire des choix qui ne sont jamais clairement des choix gagnants.
Le problème : Avoir le choix entre de trop nombreuses options implique que nous doutons constamment de nos choix.
Toutes les informations n’ont pas la même saveur
Ces quatre challenges (choc de contenu, chambre d’écho, distraction permanente, FOMO) font que la personne moyenne va se tourner vers un régime médiatique de junk food. Elle va s’engager vers ce qui lui est proposé, cliquer sur les distractions. Et quand elle sera face à de bonnes options, elle ne saura jamais vraiment laquelle est la meilleure. Beaucoup de personne qui suivent ce régime de malbouffe informationnelle pensent qu’elles deviennent plus intelligentes et plus informées alors que c’est tout le contraire qui se passe.
OK, le problème est identifié. Alors, quelles sont les solutions ?
Solution 1 : Posez-vous la question magique afin de remplacer la connaissance additionnelle par de la connaissance de rupture
L’une des distinctions les plus importantes que nous pouvons faire lorsqu’il s’agit d’apprendre consiste à faire la distinction entre les connaissances incrémentales et les connaissances novatrices. La connaissance incrémentale confirme ce que nous savons déjà. Par exemple, celui qui lit un nouveau livre sur le marketing alors qu’il en a déjà lu vingt.
Les connaissances révolutionnaires, en revanche, remettent en question nos convictions fondamentales sur le fonctionnement du monde. Ou bien, elles introduisent une nouvelle façon de voir le monde qui résonne en nous.
Identifier les connaissances de pointe est assez facile. Il suffit de se demander : “est-ce que cette information a le potentiel de changer fondamentalement ma vie ?”
Solution 2 : Réaliser que la surcharge d’informations est un problème séculaire avec des solutions séculaires
Il convient de réaliser que la surcharge d’information est un problème de longue date. Le taux de surcharge peut augmenter, mais le problème n’est pas nouveau.
Le savoir humain a connu une croissance exponentielle plus rapide que notre capacité à le traiter depuis longtemps. Les philosophes, les penseurs et les intellectuels ont commenté l’information submergée depuis des temps immémoriaux : « A quoi bon avoir d’innombrables livres et bibliothèques, dont leurs détenteurs peuvent difficilement lire les titres en une vie? Celui qui veut apprendre n’est pas instruit mais noyé sous la masse. » – Sénèque
Les différents modèles de savoir condensé
- Un post de réseaux sociaux est généralement la meilleure pensée de la journée de l’auteur. Voire même du mois si l’auteur n’a pas posté depuis longtemps.
- Un livre a beaucoup plus de valeur parce qu’il contient les meilleures pensées de l’auteur sur des années.
- Les résumés de livres sont encore plus précieux Au cours des cinq dernières années, nous avons assisté à la montée d’une industrie artisanale de ces résumés. Recherchez n’importe quel best-seller sur Amazon et il est probable que vous verrez quelques résumés de livres à l’achat. Les résumés de livres ont vraiment beaucoup de valeur car toutes les informations contenues dans un livre ne sont pas égales. Les résumés fournissent la description la plus concise des idées principales du livre.
Et il y a encore un autre moyen pour apprendre. C’est ce qu’on appelle les modèles mentaux.
Les modèles mentaux
Les modèles mentaux sont des représentations de phénomènes observés à travers le temps, les domaines d’études et les domaines de la vie. À mon avis, ils apportent la plus grande valeur de connaissance parce que:
- Les connaissances qu’ils transmettent sont bien plus condensées que les résumés de livres ou même les résumés de travaux sur le terrain.
- Ils conservent leur valeur au fil du temps (et, parfois même, l’augmentent).
- Ils sont largement applicables à tous les domaines.
- L’un de mes modèles mentaux préférés, par exemple, est la règle des 80/20: l’idée que 20% des efforts ou des entrées sont à l’origine de 80% des résultats ou des sorties. Cette règle s’applique aux entreprises, à la créativité, aux relations, à la santé et à bien d’autres domaines.
Le coût d’opportunité est un autre exemple de modèle mental. Il s’agit du coût de la perte des biens auxquels on renonce lorsqu’on procède à un choix (le coût de renoncement). Ce modèle est utile pour prendre des décisions tout au long de votre vie, car il vous encourage à réfléchir aux alternatives potentielles à une décision. Cela vous empêche de sélectionner le premier choix qui vous vient à l’esprit.
Lorsque vous apprenez les modèles mentaux, vous commencez à reconnaître les principes sous-jacents dans tous les domaines de la vie. Il devient alors beaucoup plus facile de distinguer le signal (l’information utile) du bruit (l’information parasite).
Solution 3 : Apprendre à apprendre
Apprendre à apprendre est une compétence clef qui nous permet de trouver des connaissances de pointe et de les appliquer à notre vie afin d’obtenir un résultat le plus rapidement possible. Peu de gens réalisent qu’apprendre comment apprendre est une compétence en soi. En conséquence, ils ne s’améliorent pas.
En ce qui concerne la gestion de la surcharge d’information, cela peut permettre de :
- Comprendre la méthode scientifique pour identifier des informations de haute qualité
- Apprécier la valeur d’un savoir diversifié
- Reconnaître les biais cognitifs qui nous amènent à nous fier à des informations peu fiables au final.
De l’info-apocalypse à l’info-utopie ?
La disparité des chances risque d’être bien plus élevée sur le web que dans la vie physique. Bien que tous les utilisateurs d’internet aient un accès égal au web, tous n’ont pas une compréhension égale quant à la manière de se servir de cet outil.
Par conséquent, certaines personnes vivent dans une info-apocalypse quand d’autres vivent dans une info-utopie. Si nous ne prenons pas sur nous d’acquérir les connaissances nécessaires pour développer des méthodes de gestion du on line, pour enseigner ces méthodes à ceux que nous aimons et pour diffuser ce savoir à tout le monde, je crains que la société ne devienne encore plus polarisée.
En résumé : la stratégie consiste à développer une nouvelle habitude de consommation active des médias pour développer des compétences utiles de façon productive.
Pour finir, je rajouterais qu’il peut être intéressant de privilégier les articles qui vous permettent d’approfondir et/ou d’actualiser votre spécialité (veille sectorielle). Pensez également à privilégier les lectures qui vont vous aider à développer ce que l’on appelle les quatre compétences clefs du 21ème siècle ou les 4 “C” :
- Pensée Critique
- Communication
- Collaboration
- Créativité.
- (Que je compléterais par : apprenez à aimer apprendre.)
Pour copier et partager avec votre réseau : https://mikaelecanvil.com/informations-de-valeur/
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