www.enligne.sn

Lettre ouverte à Karim Wade (Par Babacar Gaye)

Mon cher Karim,

Il y a 10 ans, au retour d’un meeting historique du Pds auquel tu as pris part, tu me confirmes que dorénavant ton engagement en politique était devenu un impératif. Cela a été déterminant pour que je renonce à ma retraite politique. Entre-temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, mais cela ne empêche pas d’assumer ma part de responsabilité.

Depuis, tu t’es résolument attelé à entretenir l’héritage que nous avons en commun. Ce choix t’a placé au cœur d’enjeux importants pour l’avenir du Pds et du Sénégal.

En 2019, j’ai théorisé, présenté et défendu ta candidature en dépit des réticences de Me Wade. Alors qui plus que moi te voudrait du bien? Lorsque cette candidature n’a pas prospéré, tu as fait preuve de persévérance et de détermination pour revenir dans le jeu en 2024.

Malheureusement, contre toute attente, le juge constitutionnel a estimé que le renoncement à ta nationalité française de naissance, ne pouvait servir à la validation de ta candidature.

Maintenant, après avoir usé toutes les voies de droit, il est temps de prendre une décision. Pour cela, j’ai foi en tes capacités de résilience afin de perpétuer le legs de Maître Abdoulaye Wade et de remplir ta mission dans la réunification de la grande famille libérale.

Dans un contexte politique marqué par l’émergence de forces populistes et de fondamentalistes religieux manipulant les masses, il est crucial de maintenir l’unité et la cohésion nationales en faisant jouer au Parti démocratique sénégalais, son rôle historique.

Pour la construction du Sénégal, le Président Wade a sacrifié biens, vie de famille et payé de sa chair. Précurseur d’une opposition légale en Afrique, combattant des libertés, de la démocratie et de l’Etat de droit, Me Wade nous a décomplexés et posé les fondements de la construction d’un pays moderne.

Après son retrait, il a prédit que les libéraux pouvaient rester au pouvoir pendant 50 ans, s’ils sont unis. Personne ne doit poser un acte qui pourrait compromettre ce vœu du Maître.

Son successeur et non moins héritier politique, le Président Macky Sall a poursuivi avec un bilan élogieux, l’œuvre du Président Wade. Mais, en démocrate respectueux des valeurs de la République et soucieux de la stabilité légendaire de notre cher pays, il a renoncé à se représenter pour respecter sa parole. Le 2 avril, il partira après douze ans passés à la tête du pays; ce qui lui a permis de mesurer les progrès réalisés et d’appréhender les grands défis de l’heure.

Pour la continuité d’un tel dessein, le Président Macky Sall a proposé Amadou Ba comme candidat de la Coalition Benno Bokk Yakaar pour achever les projets et conduire les réformes indispensables qu’appelle la gouvernance actuelle.

Cher Karim

Malgré tous les efforts que tu as déployés, le destin a pris des tournures inattendues et a bouleversé tous tes plans. C’est dans de tels moments que le véritable génie politique se révèle, mettant à l’épreuve sa capacité d’adaptation et une ferme volonté de rebondir quand tout semble perdu. La gestion de l’imprévu et des circonstances, devient alors primordiale afin de poursuivre son chemin vers les objectifs fixés.

Car, l’engagement politique qui est un acte de foi et de courage, t’oblige à défendre les idéaux du libéralisme social et de faire avancer cette cause qui nous est commune, malgré les obstacles et les revers du destin.

Cher Karim

Les péripéties de cette élection ont fini d’attester de la volonté du Président Macky Sall de te réhabiliter. Son soutien et les efforts qu’il a déployés pour faciliter l’acceptation de ta candidature témoignent de son esprit d’ouverture et de réconciliation face à la complexité de la scène politique actuelle. Il faut tenir compte de son désir ardent de te compter parmi les dignes continuateurs de la gestion libérale.

Nul ne comprend mieux que toi, les véritables enjeux de cette présidentielle et les alliances qui se dessinent sous des prismes divers. Celles-ci s’organisent pour s’attaquer à l’œuvre de Maître Abdoulaye Wade et tentent de l’effacer. Nous devons faire face.

Alors mon cher frère, que faire?

A mon avis, le Pds n’a pas le choix. Le réalisme politique recommande de soutenir le candidat libéral le mieux apte à gagner. Or, votre frère, Macky Sall, pour préserver les bases de l’œuvre initiée par votre père, a choisi Amadou Ba. En l’accompagnant, tu contribueras à renforcer la stabilité politique du pays, à préserver les principes démocratiques et à poursuivre les efforts de développement qui feront du Sénégal un pays émergent.

Ton engagement personnel et ton leadership seront essentiels pour guider le PDS dans cette période de transition et de renouveau dont il a besoin; mais surtout pour relever les défis qui l’attendent. En travaillant en collaboration avec les différentes forces de progrès dans le cadre d’un Front républicain pour la constitution duquel je lance un appel, et en mettant en avant l’intérêt commun, tu pourras jouer un rôle déterminant pour la victoire du camp républicain et, par voie de conséquence, dans la construction d’un Sénégal pour tous, paisible et prospère.

Certes, les blessures sont profondes, mais tu ne dois pas en tenir compte. Le pardon n’est-il pas un trait de caractère du croyant, de surcroît un disciple de Khadimul Rassul? En effet, de retour d’exil où il a subi toutes sortes d’exactions, Cheikh Ahmadou Bamba dit: “J’ai pardonné à tous mes ennemis pour la Face de Dieu…”. Alors, fais comme lui!

Refuse l’apathie inhibitrice et fuis la tentation d’une revanche contre-productive. Il y va de la survie de la famille libérale, fruit des entrailles de ton illustre père. Tu as encore le temps car une relative jeunesse te prédispose à un avenir prometteur.

Au sein de cette belle famille politique retrouvée, tu ne seras pas dépaysé, car tu ne peux y fréquenter que des frères et sœurs desquels tu as été momentanément séparés par les vicissitudes de la vie politique.

Mon cher frère

Donc, je t’encourage à persévérer dans la voie de la conquête démocratique du pouvoir – l’unique option du Pds – et à rester fidèle aux valeurs qui nous ont été transmises après des décennies de compagnonnage et à travailler pour le bien-être de tous les Sénégalais qui attendent impatiemment ton retour maintes fois repoussé. N’entends pas les sirènes du camp du populisme et du salafisme rampant. Reste libéral!

Créé en 1974, le Pds a 50 ans aujourd’hui: 20 ans d’opposition, 12 ans de pouvoir et 12 ans d’opposition encore. Il serait suicidaire de vouloir maintenir encore les militants dans l’opposition pour 10 autres longues années.

Ton engagement, ta vision pour l’avenir et l’espoir que tu représentes pour une large frange de nos compatriotes peuvent faire la différence dans la construction d’un Sénégal démocratique paisible et prospère.

Fais-toi violence, surmonte les rancœurs, oublie le mal qui t’a été fait et n’aies comme point de mire que les intérêts supérieurs du Sénégal que tu aimes plus que la patrie de ta mère, Mme Viviane Wade. Tu l’as suffisamment prouvé en renonçant à la nationalité française dans l’ultime objectif de servir le Sénégal.

Mon cher Karim,

Rentre chez toi comme le fit le Président Wade en 1999, pour conduire les troupes qui te sont restées fidèles et qui piaffent de te voir jouer les premiers rôles.

Avec Amadou Bâ, le candidat de notre famille politique, ton ami et proche collaborateur dans un passé récent, la tâche sera plus aisée.

Je rêve de cette scène d’osmose où libéraux et démocrates, dans un élan républicain, sous la conduite de Macky Sall, Amadou Ba et Karim Wade, main dans la main, les bras levés, entonnant le chant de la victoire, lors du meeting de clôture le vendredi 22 mars à Dakar.

Ensemble, tous unis pour le même but, le défi est à notre portée.

Babacar Gaye

Leader du Mouvement pour l’Unité, la Concorde et le Civisme/Mankoo MUCC

Votre avis