Il s’agit d’une question spécieuse, comme toutes les questions prospectives.
Certainement, vers son essence en tant pays, c’est- à- dire son émergence, sa stabilité, me diront les rares optimistes. Vers sa perte, diront ceux qui, après le court message à la Nation du Président, demeurent jusqu’ à présent estourbis.
De quoi s’agit-il ? D’un chemin de traverse, qui a comme conséquence le non-respect du Suffrage universel.
François SUREAU, en définissant l’Etat de de droit, le présente comme suit :
« L’Etat de droit, dans ses principes et dans ses organes, a été conçu pour que ni les désirs du gouvernement ni les craintes du peuple n’emportent sur leur passage les fondements de l’ordre public, et d’ abord la liberté ».
Cette liberté, si chère, c’est le droit du magistrat d’être imprévisible. Il dit le droit, en se fondant sur les textes et sur son intime conviction. Beaucoup de nos compatriotes ne s’attendaient que la candidature de Bassirou Diomaye Diakhar FAYE fût validée parce que, à tort ou à raison, ils pensaient que c’était acté et que la prétendue volonté du pouvoir de lui barrer la route pourrait faire pencher la balance. Que nenni !
Convenons tous que toute interprétation est discutable. Et l’histoire de la 3e candidature du Président, avec les nombreuses variations et palinodies sur le sujet, est assez révélatrice.
Hier soir, le Président de la République a parlé. J’avoue que, en pareil cas, il nous avait habitués à une gravité plus dense et plus pleine. Sans doute a-t-il mesuré la gravité de la situation et les conséquences désastreuses qui pourraient en découler. Le 25 février, sans cette abrogation, les Sénégalais auraient fixé – eux-mêmes et clairement – la destinée qu’ils se sont choisie.
« (…) j’ ai signé , a dit le Président de la République , le décret no 2024- 106 , du 3 février 2024 , abrogeant le décret no 2023-2283 , du 29 novembre 2023 , portant convocation du corps électoral » .La messe est dite : plus d’ élection , le 25 février 2024 ! Qu ‘ invoque-t-il comme argument d’abrogation ?
La Résolution, en date du 31 janvier 2024, « de mettre en place une Commission d’enquête parlementaire pour éclairer sur le processus de vérification des candidatures et sur tout autre fait se rapportant à l’élection».
Personne ne peut reprocher au Parti démocratique sénégalais de réclamer justice dès lors que, pour eux, leur droit a été piétiné. Ce qui étonne c’est le fait que, en peu de temps, l’on a réussi un numéro d’illusionnisme extraordinaire : des caractères, autrefois incompatibles, sont devenus complémentaires. Benno, subitement , s’est métamorphosé en partenaire de choix du P.D.S. Et c’est ici qu’intervient la vraie suspicion de conspiration d’ holbachique. Tout naturellement, la baudruche s’est doucement dégonflée : médusés, certains Sénégalais se rendent compte que l’homme, quand son pouvoir est menacé et qu’il veut vaille que vaille le conserver, ses artifices et ses intentions sont sans limites. Des membres de Benno, depuis l’abrogation, se bercent de l’espoir de différer une chute vertigineuse – que de nombreux compatriotes prévoient – en se rengorgeant et – peut-être – en esquissant même des pas de dance qui, malheureusement, se font sur un volcan.
Depuis hier, du nouveau, de l’inconnu se prépare à prendre place dans notre pays : le Président, en s’érigeant en champion du droit et de la justice menacés, a étouffé la Liberté.
Si la crispation maladive sur des intérêts personnels et partisans a produit la division, l’esprit démocratique doit produire l’élévation. Une occasion est offerte, par la Constitution, aux Sénégalais , d’être en mesure, durant 21 jours et le jour du scrutin, de juger l’ action de leurs dirigeants , d’ entendre la voix des opposants , de mieux comprendre les grands enjeux de notre temps , de se frayer un chemin au travers des multiples contenus partisans , trompeurs ou fallacieux et , partant , de faire leur choix .
Aujourd’hui , la crise que l’ on semblait redouter est là ; le péril et la tentation de la dictature semblent suspendus au-dessus de la démocratie qui , comme on le sait , n’ est pas seulement une forme d’ organisation politique , mais est aussi une valeur , c’ est-à-dire l’ inaliénable vocation des hommes à prendre en charge leur destin , tant individuel que collectif , qui reste le ciment de ses différentes conceptions . Cette démocratie, reconnaissons- le, découle plus du mode d’accession au pouvoir que de son exercice. Rien ne peut être solide que ce qui s’élève sur la large base du Suffrage universel librement et sincèrement consulté.
Le Président de la République dit avoir consulté les Présidents des Institutions, en ignorant ceux qui, si tout se passe bien, fourniront un des leurs comme Président de la République à notre pays.
Vive la polémique ! Pourvu qu’elle se situe à un niveau de qualité ! Certains candidats, dès cet après-midi, décident de commencer leur campagne ! D’autres promettent, dès sa sortie, d’attaquer le décret ! Quid, donc, de cette abrogation et de cette volonté de reporter ! Anticipant sur la crise, le Président se dit disposé à ouvrir les voies d’ « un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive dans un Sénégal apaisé et réconcilié ». Encore, un dialogue. ! Ce dernier n’est-il pas – d’avance – compromis ?
Ceux qui, lors du précédent, parce qu’ils s’étaient dévoués et avaient favorablement répondu et qui avaient été couverts d’avanies par des Sénégalais, seront-ils dans les mêmes dispositions qu’avant ? Que présage cette radicalité d’une partie des candidats à l’élection ?
L’Histoire montre que, bien souvent, lors des temps de crise, une forme d’unité nationale a pu émerger. Si « la nation » , comme le RENAN , est « un rêve d’ avenir partagé » , ce rêve commence par la clémence , l’ apaisement , la conciliation , la réconciliation , avec une obstination de CATON , surtout de la part du Président de la République . Lui, qui s’apprête à dire aurevoir à ses compatriotes, ne doit préconiser d’autres formules que celles qui peuvent apporter, à la Nation sénégalaise, laquelle lui a manifesté sa confiance et son soutien douze années durant, le maximum de chances dans la route du progrès.
Le premier acte à poser , Monsieur le Président , consiste , en usant des prérogatives que vous permet la loi , à faire preuve de clémence , en libérant les nombreux Sénégalais , en prison ,et n’ ayant pas commis d’ actes graves . Je m’adresse à l’homme de cœur, qui doit laisser à la postérité un pays stable. Leur séjour carcéral, dans des conditions si éprouvantes, dissuadera plus d’un à ne plus s’attaquer aux biens communs. Le cas de Bassirou Diomaye Diakhar FAYE ne doit vous laisser indifférent.
C’est la République qui le veut, à partir du moment où il est candidat. Dieu seul sait qui va vous succéder à la tête de notre cher pays, Monsieur le Président.
« Le difficile, dit ALAIN, c’est d’être modéré, sans être faible ». Mettez votre confiance dans le Peuple sénégalais, Monsieur le Président, et ne lui donnez point le sentiment que vous êtes en train de le piper, en voulant privilégier un candidat. La compétition doit être saine et le meilleur, parmi les candidats, doit être élu. Je reste convaincu que, quand les passions vont s’apaiser, s’imposera, à chacun, la nécessité de préserver ce qu’il a de plus cher : le Sénégal. Monsieur le Président, comme le Général, incarnez le pays, dans sa continuité, et le Peuple, dans ses aspirations. Dieu sauve notre pays !
Pape Mody NIANG
Universitaire et citoyen
Merci beaucoup mon très cher Professeur pour cette analyse profonde et éclairée. Que Dieu protège notre très cher pays.
Merci mon coussin.c est..bien dit le sokonois