Au Sénégal, l’actualité, dans les journaux, s’écrit sans les femmes. Sur les ondes, le « silence radio » fonctionne à merveille. À la télévision, des écrans d’invisibilité cernent leur image, en sus de la socialisation différenciée combinée à une exclusion de l’histoire les effaçant de la mémoire collective et des dispositions juridiques défavorables.
Ce premier constat cache de profonds mécanismes d’assujettissement fortement ancrés dans la société par l’idéologie patriarcale dont les spécificités relèvent de facteurs liés aux effets durables de la colonisation, aux interprétations conservatrices de l’Islam et au poids des traditions. En s’appuyant sur les médias, cette idéologie construit l’invisibilité et nourrit le silence des femmes.
Les questionnements de l’auteure portent sur les fondements de ce qui s’apparente à un « silence » médiatique des femmes dans la presse et à la radio introduits durant la colonisation et plus tard à la télévision.
En cherchant des réponses à sa question de départ, elle procède à une confrontation de plusieurs écoles théoriques et de postures endogènes pour mieux comprendre la trajectoire des femmes qui ont vécu de nombreuses influences externes tout en subissant ses mutations internes, tant sociologique, politique que juridique. L’analyse faite à partir de leurs vécus part du matriarcat des sociétés négro-africaines à l’alliance patriarcale entre l’administration coloniale et l’aristocratie locale. S’y ajoute le « contrat social » liant les autorités politiques et religieuses depuis les années 1960 sur leur dos.
Cette réflexion est le résultat d’une enquête effectuée au Sénégal, de 2014 à 2020, auprès d’universitaires, de journalistes et de responsables des médias publics et privés de trois quotidiens : Le Soleil, Walfadjri et Sud quotidien, de trois radios : Radio Sénégal internationale (RSI), Sud FM et Radio Futurs Médias (RFM) et de trois chaines de télévision : TFM, RTS et 2STV, en plus des sources orales et écrites. Elle se limite aux médias classiques même si un certain bouillonnement est observé depuis quelques années dans les réseaux sociaux.
L’exploration de plusieurs champs disciplinaires témoigne de la complexité du silence et de l’invisibilité des femmes qui dépassent largement le cadre médiatique. Cette invisibilité construite au fil des années par des contingences historique, religieuse et culturelle se lit au quotidien dans une société encore régie par des fondements patriarcaux. De nombreux préjugés continuent à s’abreuver de l’inconscient collectif sénégalais pour justifier cette situation. Seule une approche globale permet de saisir les différents faisceaux entourant l’hégémonie masculine.
Auteure : Docteure en sciences de l’information et de la communication, Fatoumata Bernadette SONKO enseigne au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et donne des cours en Communication internationale à l’université du Québec à Chicoutimi (UQAC).
Auteure de plusieurs articles, ses recherches portent sur les femmes et médias, les violences basées sur le genre et l’histoire des femmes. Engagée dans la défense de leurs droits, elle a aussi fondé le site d’informations : www.lescommeres.sn.
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