Dans l’entendement de l’économiste Ndongo Samba Sylla, l’abolition du système Cfa est une nécessité incontournable pour « réinventer » les relations franco-africaines, comme y invite le Sommet Afrique-France de Montpellier. « Cela implique de mettre fin à l’accord de coopération monétaire entre les pays africains et le gouvernement français. Ce dernier ne doit plus avoir son mot à dire dans la gestion monétaire des pays de la zone franc. Sur cette base, les peuples africains pourront décider si la meilleure option est de maintenir les unions monétaires telles qu’elles sont, de les réformer, de les dissoudre dans un ensemble plus large ou de mettre en place des monnaies nationales. » estime Ndongo Samba Sylla dans l’ouvrage collectif intitulé “De Brazzaville à Montpellier, regards critiques sur le néocolonialisme français” dont il a codirigé la rédaction avec Koulsy Lamko, Amy Niang et Lionel Zevounou. Evoquant ce qu’il assimile à un « colonialisme monétaire français », Ndongo Samba Sylla estime que la « réforme » Macron-Ouattara censée instituer l’éco a essayé, vainement, de prendre en charge les aspects symboliques embarrassants qui ont nourri la critique des mouvements panafricanistes (nom Cfa, représentation française, compte d’opérations). » Il ajoute que cette réforme a laissé intacts les piliers du système Cfa – notamment la parité fixe avec l’euro, la libre transférabilité et la tutelle du Trésor français. A ses yeux, elle est typique d’une démarche « françafricaine » dans la mesure où elle a fait fi de la souveraineté des peuples aussi bien côté africain que côté français.
« Un système dysfonctionnel et prédateur »
Ndongo Samba Sylla ne manque pas de rappeler que « durant ces dernières années, le caractère anachronique du franc Cfa ainsi que les faibles performances socioéconomiques des pays qui l’utilisent ont été l’objet de critiques, largement relayés sur les réseaux sociaux, de la part d’intellectuels et de mouvements panafricanistes. » Dénonçant un « système dysfonctionnel et prédateur », Ndongo Samba Sylla estime que le franc Cfa a été et demeure un instrument de puissance de la France. « Les défenseurs du franc Cfa ne posent jamais la question de la légitimité de la tutelle monétaire française, préférant fermer les yeux sur le fait que la « garantie » française est putative. Or, cette « garantie » est le seul argument permettant de justifier formellement l’ingérence française dans les affaires économiques et monétaires africaines. » souligne l’économiste. De la même manière, il souligne qu’à travers le franc Cfa, « l’on peut retrouver les différents éléments constitutifs de la « Françafrique » comme dispositif néocolonial : l’absence de considération pour la souveraineté des pays africains ; la politique de changements superficiels pour assurer la continuité des relations coloniales ; la répression des dirigeants politiques, des intellectuels et mouvements dissidents ; la cooptation des élites acceptant de jouer le jeu ; le maintien de structures politiques, économiques et financières extractives au détriment de l’autodétermination et de la prospérité des peuples africains ; la « crétinisation » d’une opinion publique française qui demeure persuadée que la France agit en puissance bénévole dans son ancien empire colonial. »
Source : Tribune
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