La situation du Sénégal, les mutations profondes qui interviennent dans le monde nous interpellent tous. Il s’agit de renouer avec la très longue tradition de débat intellectuel : Congrès des Intellectuels en 1957-1958 sous la houlette de Présence africaine avec Alioune Diop, le Premier Festival mondial des Arts nègres sous le magistère de L. S. Senghor, en 1966, et les différents colloques d’État, la Conférence des Intellectuels et de la Diaspora organisée en 2004 par Abdoulaye Wade et l’Union africaine jusqu’aux Assises nationales en 2008 sous la direction d’Amadou Mahtar Mbow, etc. Dakar doit sa réputation à deux faits au moins :
• d’abriter un nombre important d’institutions de recherche et d’espaces de débat : IDEP, CODESRIA, AFARD, BREDA, FORUM DU TIERS MONDE, ENDA, CRDI, TRUST AFRICA, etc.
• d’être la terre d’accueil et d’asile, de rencontre de plusieurs intellectuels africains et de la Diaspora parmi lesquels on peut citer les Haïtiens Jean Brière, Gérard Chenêt, Joseph Zobel, Roger Dorsinville, Jacqueline et Lucien Lemoine, Joseph Ki-Zerbo, Camara Laye, Seydou Badian Kouyaté, Ibrahima Ly, Madina Ly Tall… sans oublier la longue liste de chercheurs à l’IFAN.
Personne ne peut nier la foisonnante production de savoirs disponibles dans ce pays, la longue tradition intellectuelle incarnée par de grands noms et au sein de toutes les générations : Yoro Diao, Shayk Musa Kamara, Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor, Abdoulaye Ly, Assane Seck, Amar Samb, Birago Diop, Abdoulaye Sadji, Abdoulaye Bara Diop, Pathé Diagne, Sembène Ousmane, Cheick Hamidou Kane, Amar Samb, Cheikh Aliou Ndao, Abdou Anta Kâ, Amady Aly Dieng, Boubacar Ly, Mariama Ba, Aminata Sow Fall, Arame Fall, Boubacar Boris Diop,, Abdoulaye Bathily, Boubacar Barry, Iba Der Thiam, Djibril Samb, Abdoulaye Élimane Kane, Mamoussé Diagne, Souleymane Bachir Diagne, Felwine Sarr, Mahtar Diouf, Moustapha Kassé, Kader Boye, Babacar Kanté, Fatou Sow, Lat Soukabé Mbow, Momar-Coumba Diop, Mamadou Diouf, Babacar Fall Baker pour ne citer que ceuxlà. L’histoire de notre université a été marquée par des enseignants et chercheurs respectés d’abord issus de la sous-région, de très haut niveau dans toutes les disciplines. Les départements de philosophie et d’histoire de l’UCAD ont connu différentes générations de savants tout comme on peut évoquer les noms de nos grands juristes et professeurs de médecine et de sciences, ainsi que des artistes et cinéastes de renom parmi lesquels, Papa Ibra Tall, Iba Ndiaye, Alpha Waly Diallo, Ibou Diouf, Souleymane Keita, Jacob Yacouba, Ousmane Sow, Ndary Lô, Djibril Diop Mambetty, Doudou Ndiaye Rose, Samba Diabaré Samb, Wasis Diop, Youssou Ndour, Yandé Codou Sene, Ndiaga Mbaye, Abdoulaye Mboup, Cheikh Tidjane Tall, Souleymane Faye Diégo, Thione Seck et bien d’autres qui sont les porte-étendards de l’esthétique négro-africaine. La question qui se pose dès lors est de savoir pourquoi, malgré cet important legs intellectuel, les ressources humaines de qualité disponible dans le pays n’arrivent pas à influer de manière décisive sur les changements sociaux, la définition d’un espace économique de qualité, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques. Notre société est encore structurée autour d’ordres, de castes et d’allégeances religieuses et la république est devenue de plus en plus évanescente. Les médias qui ont joué un rôle déterminant dans l’ancrage démocratique à partir des années 1970, perdent de plus en plus leur rôle d’informateurs. La pensée politique est quasiinexistante dans l’espace public. Les partis de gauche qui ont grandement contribué à la formation politique de la jeunesse, au lendemain de l’indépendance perdent de leur influence dans le pays. Or si le Sénégal veut continuer à compter en Afrique et dans le monde, nous devons renouer avec ce qu’un ami appelle la « société savante ». En lançant le Pencum WARC, notre ambition est de définir un programme autour d’une pensée stratégique autonome pouvant influencer les décisions sociales, économiques et les politiques nationales. Mais la réflexion doit aussi inclure la sous-région et l’Afrique sans oublier la Diaspora. Pour atteindre cet objectif, nous allons d’abord tenter de réunir des esprits brillants, maîtres de différents territoires théoriques, autour des sujets suivants : • À la lumière de la nouvelle carte du monde qui se dessine, quelle place pour le Sénégal et l’Afrique ? Serons-nous toujours à l’abri des évolutions dramatiques observées dans une partie du Sahel ? Quelles seront les conséquences de la situation en Afghanistan ou du Liban sur notre société ? • La société sénégalaise est profondément divisée entre intellectuels formés à l’occidentale et ceux non europhones selon la fameuse expression de notre collègue et ami Ousmane Kane. Comment faire dialoguer ces différentes strates pour en tirer le meilleur, jeter les bases d’un véritable consensus allant dans le sens du respect de l’autre, pour renforcer la stabilité de ce pays et surtout faire éclater le repli communautaire et identitaire? • Quel citoyen et autour de quel projet éducatif penser la réorientation des politiques publiques ? Beaucoup de choses ont été dites depuis les États généraux, les forums sur l’éducation mais aussi la Charte culturelle. Ces conclusions doivent être réactualisées et partagées avec les jeunes générations. • Les enjeux autour de la santé ne peuvent pas être ignorés. Notre pays dispose des ressources humaines qualifiées pouvant penser de manière ordonnée le Sénégal post-covid. Quels en seront les conditions et les sacrifices nécessaires ? La véritable équation pour le Sénégal se situe autour des enjeux de transformation sociale allant dans le sens du progrès. Péncum Warc sera un espace ouvert, de dialogue intergénérationnel sur toutes les questions qui interpellent les citoyens de notre cher pays.
Le comité d’initiative
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