Entouré de militaires en treillis, masqués et les armes à la main, Alpha Condé apparaît sur un canapé du palais présidentiel. Le président guinéen est comme sonné, la chemise entre-ouverte, les pieds nus. « Est-ce qu’on a touché à un seul de vos cheveux ? On vous a brutalisé, Excellence? » lui demande un militaire dans une vidéo tournée à Sékoutoureya. Alpha Condé, 83 ans, semble aller bien mais reste silencieux. Il n’aura fallu que quelques heures aux putschistes pour se saisir de celui qui dirigeait le pays depuis onze ans.
Tout est allé très vite. Cette journée folle à Conakry a débuté aux alentours de 8h. Des tirs nourris et à l’arme lourde ont été entendus tout au long de la matinée aux abords de Sékoutoureya, le palais présidentiel où se trouvait alors le chef de l’État. Selon des photos, il aurait depuis été emmené hors du palais présidentiel.
À la mi-journée, une déclaration de Mamady Doumbouya, un Malinké originaire de la région de Kankan, a circulé sur les réseaux sociaux. Selon les informations de Jeune Afrique, c’est ce lieutenant-colonel et ses hommes du Groupement des forces spéciales (GPS), une unité d’élite de l’armée aussi bien entrainée qu’équipée, qui sont à l’origine du coup d’État.
Dans cette vidéo, béret rouge sur la tête et lunette de soleil sur le nez, entouré de deux militaires, Mamady Doumbouya annonce que « la situation socio-politique et économique du pays, le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la justice, le piétinement des droits des citoyens, la gabegie financière […] ont amené l’armée républicaine à prendre ses responsabilités vis-à-vis du peuple de Guinée. »
Il annonce aussi la dissolution de la Constitution, du gouvernement, des institutions et la fermeture des frontières. Enfin, il annonce qu’un « Comité national du rassemblement et du développement, CNRD » a pris le pouvoir.
Alpha Condé aux mains des putschistes
Ancien légionnaire de l’armée française, Mamady Doumbouya avait été rappelé en Guinée pour prendre la tête du GPS en 2018. Ces derniers mois, sa volonté d’autonomiser le GPS par rapport au ministère de la Défense avait suscité la méfiance du pouvoir de Conakry. En mai, des rumeurs infondées faisant part de sa possible arrestation avaient même circulé dans la capitale guinéenne.
LES FORCES FIDÈLES À ALPHA CONDÉ N’ONT PAS DIT LEUR DERNIER MOT
Celui qui apparaît aujourd’hui comme le chef des putschistes a appelé ses « frères d’armes à l’unité » et à rester dans leurs casernes. C’est bien l’interrogation majeure à cette heure : les hommes du GPS vont-ils être suivis par le reste de l’armée ? « Les forces fidèles à Alpha Condé n’ont pas dit leur dernier mot, mais le président est bel et bien entre les mains des putschistes », a affirmé à Jeune Afrique un proche du chef de l’État.
Arrivé au pouvoir en 2010, Alpha Condé a été réélu en 2020 pour un troisième mandat après une révision de la Constitution controversée.
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